La route, entre sens, imaginaire et innovation
Si présente qu’elle en devient parfois invisible, la route a des formes, des histoires, des compositions très variées. On l’emprunte en voiture mais aussi à vélo, à pied, en camion, en autocar… La route a aussi nourri tout un imaginaire artistique, une esthétique littéraire, cinématographique… Et pourtant, comme toutes les infrastructures, la route doit, à l’heure du changement climatique, se réinventer. Dans une série de quatre podcasts, des experts du sujet explorent le passé, le présent et le futur des routes pour présenter un tableau désirable pour l’avenir des mobilités.
LA PLACE DE LA ROUTE DANS NOS SOCIÉTÉS
La route est souvent définie à travers son infrastructure : différentes couches superposées puis un enrobé permettant une circulation régie par de la signalisation. On peut aussi la décrire via ce qu’elle véhicule : 80 % des biens et des personnes circulent encore sur ces axes disponibles en permanence. La route n’est pas ou peu questionnée car elle a toujours été là, bien que sa forme, ses fonctions, les possibilités qu’elle offre aient évoluées. Pourtant, au-delà de ces aspects concrets, la route nourrit aussi bon nombre d’imaginaires. Elle a une portée abstraite, inspirante, en témoignent Proust, Kerouac ou Gracq qui ont su lui donner une place dans leurs récits. Le rapport à la route est aussi quelque chose d’intime qui appartient au domaine du souvenir d’enfance, donne un sentiment de liberté…
Et c’est justement parce que le rapport à la route est pluriel qu’il est essentiel de la faire évoluer, de l’adapter. C’est tout l’objet de la conversation qu’Antoine Perrin a eue avec Mathieu Flonneau, enseignant chercheur, spécialiste des mobilités de la civilisation routière et de l’automobilisme, Aurélien Bellanger, romancier et chroniqueur au Nouvel Obs et Catherine Bertho-Lavenir, historienne, spécialiste de la route, auteur de “la roue et le stylo : comment nous sommes devenus touristes” aux éditions Odile Jacob.
VA-T-ON RÉUSSIR A PARTAGER LA ROUTE ?
A l’heure où des modes de transports de plus en plus variés se développent, le partage de la route peut être source de tensions. En témoignent le vote contre les trottinettes en libre-service à Paris. Partager la route c’est donc d’abord la partager physiquement entre différents modes de transports et accepter que la priorité ne soit plus donnée au véhicule le plus rapide comme c’était historiquement le cas. C’est aussi, pour les usagers, partager leur trajet entre différents modes de transports en ayant recours à l’intermodalité, il faut pour cela que la coordination entre ces types de mobilité soit optimale.
Finalement, partager la route sera avant tout une question de changement d’habitudes pour trouver un nouvel équilibre. Un équilibre économique aussi puisque partager la route c’est aussi partager son coût soit en fonction de l’usage, de l’encombrement ou bien de la source d’énergie utilisée pour rouler. Discussion à trois voix entre Yves Crozet, professeur émérite à Sciences Po Lyon et au Laboratoire Aménagement Économie Transport au CNRS et maire de Saint-Germain-la-Montagne dans la Loire, Emma-Sophie Mouret, docteur en Histoire de l’Aménagement du Territoire et Jacques Lévy, géographe, Membre du rhizome de recherche Chôros.
SOMMES-NOUS ARRIVES AU BOUT DE LA ROUTE ?
A l’heure du changement climatique, les nouveaux projets routiers suscitent souvent de la méfiance voire du rejet. « Pas tous les projets » nuance Aurélien Bigo, ce sont surtout les projets autoroutiers ou de contournements qui sont sous le feu des critiques, les projets plus locaux étant globalement épargnés. Pour Dominique Bourg, ce n’est pas la route en tant qu’infrastructure qui est critiquée mais ses incidences sur l’environnement et elles sont nombreuses ! Provoquées tant par sa construction que par les véhicules qui roulent dessus. Alors, faut-il arrêter de construire de nouvelles routes ? Il n’y a évidemment pas de réponse simple : d’un côté, les nouveaux projets routiers peuvent avoir des effets bénéfiques sur la congestion, de l’autre, les études semblent montrer que la construction de nouvelles infrastructures provoque une augmentation du trafic.
Le fond du problème, c’est que l’infrastructure routière telle qu’elle a été conçue hier n’est pas adaptée aux enjeux de demain. Alors plutôt que de « supprimer » la route, il faut avant tout l’adapter pour qu’elle puisse accueillir la diversité des nouveaux modes de transports, mais aussi l’entretenir afin qu’elle soit moins émettrice. Julien Guez, Directeur Général de la Fédération nationale des Travaux Publics, Aurélien Bigo, Chercheur sur la Transition Énergétique des Transports et Dominique Bourg, Professeur honoraire à l’université de Lausanne partagent leur vision de ce sujet.
LA ROUTE DU FUTUR C’EST COMMENT ?
Histoire, usages, enjeux, il est l’heure d’imaginer le futur de la route. Selon Pierre Coppey, PDG de VINCI Autoroutes, Bernard Jacob, Professeur à l’Université Gustave Eiffel et Julien Vick, Délégué Général du Syndicat des Equipements de la Route, la route a déjà commencé à évoluer et ce n’est pas fini !
Parmi les solutions pour décarboner la route, il y a bien sûr la résilience et la sobriété en énergie, en matériaux. La construction de l’infrastructure elle-même est en cours de décarbonation car de nouvelles technologies et organisations, plus performantes sont mises en place : utilisation de liants végétaux, recyclage… autant d’avancées qui réduisent considérablement les émissions. Le recours aux nouvelles technologies est également au programme de demain qu’il s’agisse d’électrifier la route, de développer de la signalétique intelligente ou encore de développer des infrastructures capables de s’autodiagnostiquer. Une chose est sure, la route de demain n’aura pas le visage de celle que nous connaissons aujourd’hui.
Cette série de podcasts a été enregistrée lors du colloque de Cerisy organisé en septembre 2023 par Matthieu Flonneau et Frédéric Monlouis-Félicité avec le soutien de nombreux partenaires dont La Fabrique de la Cité. Elle a été réalisée par Movin’On en partenariat avec l’Express.
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La Fabrique de la Cité
La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.