« Quelle est l’opérationnalité du concept de résilience ? » s’interrogeait Chloë Voisin-Bormuth, Directrice de la recherche à la Fabrique de la Cité, le 12 février 2020 au Forum Urbain Mondial d’Abu Dhabi. Cette question peut surprendre : de nombreuses villes étant venues à Abu Dhabi pour présenter leur stratégie de résilience et la fondation Rockefeller y ayant annoncé la création de son nouveau réseau de villes résilientes, le Global Resilient Cities Network, peut-on douter que la résilience est un moteur efficace pour l’action ? Certainement pas, affirme Chloë Voisin-Bormuth: il est certain que le concept de résilience a permis de lever de nombreuses difficultés liées à une certaine gestion des risques poursuivant l’ambition de risque zéro – notamment celle d’arriver à prendre des mesures même quand tout ne peut être maîtrisé et de fédérer des acteurs très différents autour d’un programme d’actions transversales.
Pourtant, la séduction qu’opère le concept de résilience est justement ce qui risque de limiter son opérationnalité. La résilience propose en effet un projet très positif et valorisant : réussir à résister et à s’adapter à un choc et par-delà l’épreuve, devenir meilleur (Build back better). Mais Chloë Voisin-Bormuth a montré que ne se concentrer que sur cette dimension de la résilience risque de conduire à différentes impasses : d’une part, celle de distribuer les bons points (pour les résilients) et les mauvais (pour ceux qui n’arrivent pas à être résilients) sans analyser les raisons structurelles qui expliquent la capacité à surmonter une épreuve ; d’autre part, celle d’éviter de poser la question complexe et très politique du risque acceptable alors même que la richesse même du concept de résilience vient de ce qu’il assume la perte consécutive au choc ; enfin, celle de réduire la résilience à un projet technique et à une série de bonnes pratiques, alors que la résilience est avant tout un projet de société au centre duquel se trouve le facteur humain.
L’opérationnalité de la résilience est réelle, les présentations des villes au Forum Urbain Mondial l’ont montré. Toutefois, comme tout projet de société, ses présupposés doivent être explicités et faire l’objet d’un véritable débat. Les cas de Pittsburgh et de Hambourg sont à cet égard particulièrement inspirants a rappelé Chloë Voisin-Bormuth. En ce sens, le renforcement des différents réseaux de villes résilientes et leur élargissement à d’autres partenariats, dont la société civile, est une bonne nouvelle : l’échange d’expérience et la mise à distance critique ainsi permis peuvent servir de base à ce débat nécessaire.