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Santé environnementale : entre acteurs traditionnels et nouveaux entrants

« Il existe aujourd’hui un alignement de planètes en faveur de la santé environnementale » : c’est ainsi que Charlotte Marchandise-Franquet, experte en santé publique et adjointe à la maire de Rennes  déléguée à la santé et à l’environnement, décrit un contexte aujourd’hui favorable à ce champ de l’action publique, alors que se généralise une prise de conscience du fait que la santé ne dépend pas seulement de facteurs individuels, biologiques ou comportementaux, mais aussi de déterminants de santé environnementaux. Devenue pour les territoires un facteur d’attractivité non négligeable, la santé environnementale intéresse un nombre croissant d’acteurs aux intérêts parfois divergents : au côté des acteurs traditionnels (monde médical, assurances, collectivités, État…) apparaissent de nouveaux acteurs souvent issus du numérique, qui font de la donnée un nouvel instrument de prévention.

Comment ce jeu d’acteurs se recompose-t-il ? C’est pour répondre à cette question que La Fabrique de la Cité organisait, le 28 septembre 2018 à Leonard:Paris, un atelier réunissant élus, experts, chercheurs, médecins, entreprises du numérique et représentants de collectivités. À la clé : comprendre la façon dont se positionnent aujourd’hui les acteurs de la santé environnementale et imaginer les futurs possibles de sa gouvernance. Retour sur des débats riches auxquels s’ajouteront, en 2019, deux journées consacrées à l’urbanisme favorable à la santé et à la pollution de l’air intérieur.

 

La santé environnementale, un choix politique

Parler de santé environnementale, c’est parler d’intérêt général et engager une vision politique. Le pouvoir de convocation du maire est un instrument puissant pour parvenir à lancer l’action commune et transversale qu’exige une politique de santé environnementale. Une politique qui n’est pas neutre : le terme de santé se prête à des interprétations fort différentes, comme le rappelait ainsi Zoé Vaillant, maître de conférences à l’université de Nanterre. Qui définit ce qu’est la bonne santé et selon quels critères ? Quelles priorités pour les politiques publiques de santé ? L’enjeu est moins la définition d’une « bonne santé » que la transparence des objectifs poursuivis par une politique de santé environnementale.

Venir à bout des silos

Tous en témoignent : le champ de la santé environnementale, par nature transversal, reste marqué par les silos. Or la santé environnementale ne doit plus être une considération mineure intervenant à la fin d’un projet d’aménagement, de mobilité ou de construction etc. mais doit au contraire être prise en compte en amont de tout projet. Comment briser ces silos ? En créant des lieux de partage et d’expérimentation, à l’image du Hacking Health Camp fondé par Sébastien Letélié (dirigeant de Health Factory), qui rassemble 500 patients, professionnels de santé, développeurs et entrepreneurs pour inventer des outils numériques au service de la santé ; mais aussi en créant des réseaux de villes, tel celui des 1 300 villes-santé de l’OMS, qui œuvre à faire de la santé une brique essentielle de toute politique publique.

Impliquer le citoyen

Qu’elles se positionnent comme activement productrices de santé ou simplement non nuisibles à cette dernière, les villes ne peuvent plus se permettre de ne pas impliquer leurs citoyens. Tout d’abord en comprenant leurs besoins de santé : sans savoir d’où partent les habitants, témoigne Élisabeth Belin, adjointe au maire de Saint-Denis en charge de la santé, l’action publique en santé environnementale peut transposer des solutions qui, si elles sont éprouvées dans certains territoires, s’avèreront inadaptées à d’autres  – comme, par exemple, un investissement massif dans les pistes cyclables pour une population ne sachant majoritairement pas faire du vélo. Toutefois, une bonne connaissance de la population ne suffit pas à garantir le succès d’une politique publique : si les déterminants environnementaux confèrent à la santé une composante collective, elle n’en reste en effet pas moins profondément personnelle. Prise de conscience de plus en plus généralisée des impacts de l’environnement sur la santé, résistance devant ce qui peut apparaître comme des injonctions à vivre une vie plus saine teintées de moralisme et empiétant sur la liberté individuelle… la santé environnementale apparaît bien souvent anxiogène. Pascal Ermel, business developer au sein de la start-up nantaise Atmotrack, soulignait ainsi l’importance de doter les habitants d’outils de connaissance pour informer leurs prises de décisions. C’est ainsi qu’Atmotrack a mis au point des capteurs fixes et mobiles permettant à chacun de mesurer la qualité de l’air ; c’est également l’idée de capteurs citoyens portée par la ville de Rennes pour établir la confiance entre les citoyens et la puissance publique.

La donnée, nerf de la guerre

La donnée est aujourd’hui enjeu de pouvoir pour des acteurs qui ne peuvent pas tous en disposer. Certains, comme les GAFA, possèdent et croisent des bases de données environnementales (grâce à des capteurs), médicales (grâce à des partenariats avec des centres médicaux séduits par leur puissance de calcul) et personnelles (depuis les recherches internet jusqu’aux applications et objets connectés participant au mouvement du quantified self). Les données de santé sont aussi au cœur d’un fort enjeu d’acceptabilité sociale, comme l’a souligné Régis Chatelier, chargé de mission innovation et prospective à la CNIL : l’utilisation excessive ou abusive de ces données très sensibles, donnant l’impression d’un « flicage » ou d’une intrusion dans la vie privée, peut s’avérer contre-productive en donnant lieu à des stratégies d’évitement ou de sabotage. En témoignent les exemples des capteurs fixés à de petits moteurs pour remplir aisément les « objectifs santé journaliers » exigés par certaines assurances américaines. Transparence et régulation semblent donc nécessaires à l’établissement d’une relation de confiance entre citoyens et acteurs de la santé environnementale – un enjeu d’autant plus fort que la donnée est un construit marqué de biais et non une retranscription du réel.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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