Édito

Aéroports 2050 : commutateurs d’échelles urbains

Les villes sont des commutateurs d’échelles : en fonction de leur statut dans la hiérarchie urbaine, elles permettent de passer du local aux différents niveaux scalaires supérieurs et jusqu’au global pour les métropoles. Si les villes sont capables de cette prouesse géographique, c’est grâce à leurs infrastructures de transport, dont l’aéroport est l’un des exemples les plus éloquents.

À l’occasion du festival Building Beyond, La Fabrique de la Cité a reçu Stéphane Crétel, chef de projet d’innovation stratégique chez Air France-KLM, et Laurent Terral, chargé de recherches à l’IFSTTAR et au laboratoire Ville Mobilité Transport.

Entre la massivité du flux et l’hyperpersonnalisation de l’expérience : les paradoxes de l’aéroport

Pour Stéphane Crétel, l’aéroport fait face à une double pression : massification du trafic aérien d’un côté, demande accrue de personnalisation de l’expérience usager de l’autre. Il offre tout à la fois une gestion industrielle et une personnalisation du processus. Ce paradoxe est d’autant plus fort que l’aéroport assure une fonction urbaine incontournable – la mobilité des biens et des personnes – et une expérience exceptionnelle – le transport aérien n’est pas naturel. La gestion du site se trouve en outre complexifiée par des problématiques environnementales.

La personnalisation pose également d’autres problèmes : le rapport à l’aéroport varie grandement selon les utilisateurs, ce qui suppose des évolutions parallèles concomitantes. Si l’aéroport est souvent perçu comme une étape chronophage par la clientèle d’affaires, certains services peuvent revaloriser l’expérience de l’aéroport, comme la présence d’un restaurant destiné aux clients de classe business, ou toute une gamme de commerces voire d’aménités hors norme – on peut penser à Jewel, le nouveau terminal de l’aéroport de Singapour, dans lequel viennent d’être inaugurées une forêt et une cascade monumentale.

Stéphane Crétel pousse alors la réflexion sur la nature et le lieu de l’aéroport, avec pour invariant l’ensemble des éléments techniques nécessaires au bon fonctionnement des opérations aéroportuaires. Il rappelle qu’autrefois l’aérogare de Paris se situait non pas aux périphéries de la métropole mais aux Invalides ! Il imagine alors pour demain une infrastructure connectée, où aéroport et gare seraient insérés dans un réseau multimodal. Il insiste également sur l’importance de la dimension symbolique de l’aéroport, liée à l’image que l’on a du voyage.

De l’importance de penser le couple aéroport-territoire

Pour autant, l’aéroport ne peut être pensé de manière hors-sol : pour Laurent Terral, auteur d’une étude récente sur le sujet, il est primordial de le penser en étroite relation avec son territoire. Dans certains aéroports, le trafic moindre n’empêche pas le développement d’une activité économique autour de l’infrastructure, à l’image de la maintenance d’appareils aériens. Les aéroports constituent ainsi un centre d’activité essentiel à l’échelle locale. Ce couple aéroport-territoire est parfois remis en question, notamment lorsque l’Europe met à mal l’existence de certains aéroports, sous perfusion financière de l’État – on compte ainsi dix lignes de service public en 2019, toutes à l’avenir très incertain.

Le nombre même d’aéroports en activité sur le territoire français est sujet à caution. Selon le Journal Officiel, la France en comptait 486 en 2018, alors que seuls 108 ont accueilli du public. Une douzaine d’aéroports désenclave des territoires qui restent mal desservis par les autres infrastructures de transport – comme à Toulouse. Cette diversité fait la complexité et la richesse du paysage aéroportuaire français, qui pourrait bien être compromis dans un contexte de dérèglement climatique. Fort émetteur de CO2, le secteur aéronautique est devenu la cible de nombreux détracteurs, activistes ou politiques. L’aéroport sera-t-il un dommage collatéral de la transition écologique ? Si les aéroports doivent faire face à de forts enjeux, ils devront démontrer qu’ils ont le potentiel de surmonter les défis urbains du 21e siècle.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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