Édito

« C’est un avion, c’est une voiture, non c’est un… transport du futur ! »

Jean-Marc Cote, reproduction d’une vision de la ville en l’an 2000 (1899)

Il suffit de taper « transport du futur » dans son moteur de recherche favori pour s’en convaincre : une révolution de nos modes de déplacements est en route. Elle dessine une mobilité autonome, volante et en grande partie individuelle. Cette réflexion aux airs prophétiques n’est pas nouvelle et s’inscrit dans une continuité historique. À la fin du XIXe siècle, dix ans avant que les frères Wright n’effectuent le premier vol motorisé et contrôlé de l’histoire de l’aviation, on prédisait déjà que nos futurs déplacements quotidiens seraient aériens. Est-ce de la pesanteur de nos trajets quotidiens qu’est né notre appétit insatiable pour ces modes de transports fantasmagoriques ? Is the sky the limit ?

Voies embouteillées, augmentation des temps de transport, risques induits sur la santé… Les freins à une mobilité fluide sont nombreux et leurs effets décuplés dans les villes tant l’espace disponible se raréfie et l’aspiration des citadins se tourne vers une ville fluide et débarrassée des nuisances. Cependant, grâce aux voitures volantes, finis les bouchons ; avec Hyperloop, il sera possible d’habiter à Limoges et de rejoindre Paris en moins de 40 minutes. Ces modes véhiculent une vision renouvelée de la mobilité dans laquelle nos déplacements seraient rapides, non-polluants et fluides. De quoi mettre des étoiles dans les yeux de quiconque connaît les affres des déplacements longs et pénibles au quotidien.

Toutefois, derrière ces esquisses de chars volants, ces prototypes de voitures autonomes et des projets comme Hyperloop, se trouve un idéal de ce que devrait être la mobilité ; un idéal qui ne saurait se limiter au seul mode de transport. Ce que le mode cache par son omniprésence et par l’attention qu’il concentre, c’est une aspiration : celle de voir la mobilité s’émanciper de ses contraintes, de pouvoir se déplacer librement et sans entrave. Or, à ce solutionnisme technologique qui pourrait se résumer en détournant un adage bien connu : « quand le sage montre la mobilité du futur, l’idiot regarde le mode de transport », il convient de substituer une réflexion dans laquelle les modes n’occupent plus une place centrale dans l’imaginaire collectif.

En effet, faire du mode l’unique futur de nos déplacements, c’est occulter l’importance, si ce n’est le caractère indispensable, des réseaux dans la mobilité du quotidien. L’efficacité de ces réseaux, leur interconnexion : c’est là que se trouve le futur de la mobilité. L’objectif du développement du véhicule autonome et de la voiture volante est de rendre les déplacements du quotidien fluides ; ce n’est pas être opposé au progrès que de considérer que l’on y parviendrait aussi bien en optimisant l’usage de cet actif que sont les routes ; en augmentant la fréquence des transports en commun, en encourageant la pratique du vélo par la construction d’infrastructures et de services dédiés… Autant de solutions qui, malgré leurs effets avérés sur la fluidification de la mobilité, ne jouissent pas du même relais médiatique car moins révolutionnaires mais surtout moins tape-à-l’œil.

Le futur des transports est peut-être déjà là. Covoiturage courte-distance, optimisation dynamique de la voirie, transport à la demande… La palette d’outils au service d’une ville plus fluide est large. Alors pourquoi continuer à regarder le ciel et guetter l’arrivée de la voiture volante quand des solutions éprouvées existent déjà en puissance ?

 

Cet édito est extrait de L’Instant Urbain (juin 2018). Inscrivez-vous pour ne pas manquer le prochain Instant Urbain.

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