Édito

Commerce en ville : quand la proximité fait vendre

Amazon Books, Seattle (SounderBruce, Wikipedia CC BY-SA 2.0)

Un taux de vacance commerciale de… 20 % : ce chiffre ne fait pas référence à l’une des villes visées par le programme gouvernemental « action cœur de ville » destiné à redynamiser le commerce de centre-ville en France. Il concerne le cœur battant de la ville la plus célèbre du monde : il concerne Manhattan, il concerne New York. Ce qui se passe à New York préfigure-t-il l’avenir des grandes métropoles, y compris des métropoles mondes – Paris, Londres, Hong-Kong, Shanghai – dont le destin serait en définitive identique à celui de ces villes moyennes qui souffrent : une disparition du commerce traditionnel des centres-villes ?

Selon CityLab, trois facteurs expliquent cette évolution inattendue de Manhattan. Les deux premiers tiennent au dysfonctionnement du marché local de l’immobilier commercial, qu’il s’agisse du prix des loyers demandé – trop élevé dans les artères les plus prisées de Manhattan– ou de la préférence des bailleurs pour des baux de long-terme alors que la demande serait plutôt de baux de court terme, destinés à accueillir des magasins éphémères (« pop-up stores»). La troisième raison serait structurelle : « Well, because Amazon ». Autrement dit, même à Manhattan, le numérique aurait eu raison du commerce physique.

Ce dernier argument mérite d’être discuté. D’autres indices montrent au contraire que la messe n’est pas dite : le paysage du commerce en ville est en plein bouleversement et il serait présomptueux de faire des pronostics définitifs.

Revenons à Amazon. Après avoir vulgarisé durant des années l’idée qu’acheter des livres dans une librairie était ringard, Amazon ouvre… aux États-Unis des librairies, des vraies. Ironie de l’histoire, certaines rouvrent sur les mêmes emplacements que ses concurrents du monde physique qu’il a tués. Notons au passage que l’entreprise va même jusqu’à réinventer au passage le bon vieux club du Reader’s Digest… Plus près de nous, les grandes enseignes de la distribution qui ont promu l’hypermarché en périphérie de ville ouvrent aujourd’hui des « drive piéton » (savoureux concept !) en centre-ville, se faisant concurrence au cœur même de la cité comme par exemple à Lille. Ainsi, de même que le numérique n’a pas vidé les bureaux comme le rappelait Carlo Ratti lors de notre séminaire international de Lyon en 2017, il n’est pas écrit qu’il va tuer le commerce physique, tant s’en faut !

Cette réinvention à l’œuvre du commerce physique par le commerce digital nous rappelle quelques évidences : la ville est un espace vivant et aucune ville ne pourra se prétendre attractive si elle ne sait pas garder en son sein des commerces animés et variés, incitant à la flânerie et à l’achat. Et, numérique ou pas, le cocktail gagnant pour qu’une ville commerçante attire et intéresse ne change pas, comme le rappelle le palmarès Procos 2018 : accessibilité multimodale, plateau piéton étendu à la taille du cœur de ville, partage apaisé de l’espace public entre voiture, piéton, etc., organisation d’évènements culturels et touristiques récurrents, gestion concertée des artères commerçantes promouvant une vision stratégique, et  développement concerté et contenu des zones de périphérie sur le long terme. À cet égard, tournons également nos regards vers les États-Unis où, pour le coup, la désaffection pour les centres commerciauxpourrait aussi rattraper l’Europe et poser sous un angle nouveau la question de l’évolution des périphéries de villes… ainsi que rebattre les cartes pour les centres-villes.

 

Cet édito est extrait de L’Instant Urbain (novembre 2018). Inscrivez-vous pour ne pas manquer le prochain Instant Urbain.

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