3 jours. Ce serait la durée de l’autonomie alimentaire de la ville de Paris [1], en cas de rupture des chaînes d’approvisionnement. Cette statistique, présentée sur le site de l’ADEME, se fonde sur la situation de l’Île-de-France où 90 % des produits alimentaires consommés sont importés, bien que 49 % des territoires soient voués à l’agriculture.
À la faveur de la crise du coronavirus, le sujet de la sécurité alimentaire, déjà largement débattu depuis quelques années, revient sur le devant de la scène médiatique et se présente comme un des défis majeurs des grandes métropoles.
Le concept de « sécurité alimentaire » renvoie à deux grands types de problèmes, celui de l’approvisionnement en nourriture (quantitatif) et celui de l’intégrité sanitaire de cette même nourriture (qualitatif). L’anglais distingue ainsi nettement food security et food safety,les deux dimensions étant fortement liées [2].
Depuis le début de la pandémie, de nombreux pays importateurs de nourriture ont vu le prix de certaines denrées très fortement augmenter. Au Paraguay, un pays qui a fait le choix de la monoculture de soja, le prix des fruits et légumes a crû de plus de 120 % [3]. Deuxième plus grand importateur de blé au monde, l’Algérie, dépendant principalement des productions de la France, de l’Argentine et du Canada, fait face depuis la fin du mois de mars à une pénurie de semoule, produite à partir de grains de blé dur, ce qui fait craindre un regain de tensions sociales [4]. En Colombie, de nombreux quartiers pauvres, dont les habitants dépendent de l’économie informelle, souffrent de manque de nourriture depuis le début du confinement le 24 mars. Les chiffons rouges, accrochés aux fenêtres des barres d’immeubles, sont devenus le symbole de cette colère contre les autorités et leur gestion des aides alimentaires [5].
D’autres pays importateurs ont su diversifier au fil du temps leurs sources d’approvisionnement, développer des stratégies de stockage et d’optimisation de la production locale et redoutent ainsi moins le risque de pénuries alimentaires. C’est le cas de Singapour qui importe près de 90 % de ses denrées alimentaires, notamment les fruits et légumes en provenance de la Malaisie voisine. Le confinement de cette dernière, qui a débuté le 18 mars 2020 (Malaysia Movement Control Order), a été longuement mentionné dans la presse locale, mais n’a pas eu pour conséquences de pénuries alimentaires, les chaînes d’approvisionnement étant encore opérationnelles.
En France, le gouvernement n’a pas fait état d’épuisement de certaines denrées mais de tensions sur les chaînes d’approvisionnement [6], ce qui replace la question de la résilience des systèmes alimentaires urbains au cœur du débat. Les acteurs de cette chaîne se sont d’ailleurs adaptés au nouveau contexte. Par exemple, le Marché d’Intérêt National (MIN) de Rungis a lancé fin mars la plateforme numérique « Rungis livré chez vous », en partenariat avec la Région Ile-de-France, un site de livraison de produits frais du MIN à destination des particuliers d’Ile-de-France. Stéphane Layani, Président du MIN de Rungis, a décrit cette solution comme « les taxis de la Marne de la guerre contre le coronavirus » [7].
Même si les chaînes d’approvisionnement semblent tenir le choc face à la crise du COVID-19, du moins en Europe, il est important de revenir sur le couple ville/alimentation et d’interroger la question de la relocalisation de la production alimentaire qui émerge à nouveau dans le contexte actuel.
Comment le thème de la sécurité alimentaire des villes a-t-il émergé dans le débat public ? Quelles stratégies les villes développent-elles pour assurer leur sécurité alimentaire ? Comment dépasser la question du localisme et aborder la relocalisation selon une approche systémique ?
1- Le couple ville/alimentation, une relation du temps long