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Financer les mobilités dans un monde post carbone

Dans de nombreux pays, les mobilités sont financées grâce à des revenus qui font aujourd’hui face à des limites. Les taxes pétrolières, qui dans un pays comme les États-Unis, sont au cœur du système de financement des infrastructures et seront amenées à se tarir avec la réduction de la consommation de carburant dans la mobilité. Parallèlement, le consentement à payer du contribuable ou de l’usager tend à se réduire, comme l’ont illustré les récentes manifestations des Gilets jaunes en France.

La problématique du financement n’attendra pas

Mais il serait réducteur d’assimiler un monde postcarbone à un monde sanscarbone. Soyons-en sûrs : les recettes sur les carburants fossiles, malgré leur diminution, continueront d’alimenter le budget de l’État – même si elles ne sont pas automatiquement affectées au financement de la mobilité. Ce constat, si rassurant soit-il d’un point de vue comptable, ne doit pas faire omettre que, sans même attendre le tarissement de certaines ressources financières, le problème du financement de la mobilité est prégnant. Il se manifeste au travers des interrogations autour du financement de la Loi d’orientation des mobilités ou bien encore lors d’évènements alarmants et parfois tragiques tels que l’effondrement du pont Morandi en août 2018 à Gênes.

À cette urgence de financer et maintenir en état des infrastructures et services de mobilité toujours plus sollicités s’ajoute celle de mener et financer la transformation vers un système de mobilité répondant aux injonctions auxquelles les villes font et feront face à l’avenir : réduction de l’automobile dans les centres urbains denses, décarbonation de la mobilité et transformation des usages entre autres.

Financer la mobilité ou financer sa transformation ?

Deux lectures peuvent-être faites de cette problématique du financement de la mobilité : soit il convient de trouver de nouvelles sources de financement, soit le financement peut devenir un outil pour accélérer la transformation du système de mobilité. Des exemples illustrent ces deux types d’approches. Les réflexions portées par l’Oregon et Singapour autour de nouveaux systèmes de financement de la mobilité dits « pay-as-you-go » entendent tarifer l’ensemble des déplacements selon une métrique universelle : l’usage fait d’un service ou d’une infrastructure. Toutefois, les systèmes se distinguent dans l’objectif poursuivi : alors que l’Oregon a pour but de sécuriser les revenus pour le financement de ses infrastructures routières, Singapour souhaite plutôt utiliser le financement comme un outil au service de la transformation des usages et transformer le système de mobilités pour qu’il soit à la mesure des enjeux que connaît la cité-État.

L’Oregon : une taxe pour en remplacer une autre

Le système développé dans l’Oregon – s’il permet effectivement de trouver une solution alternative aux taxes sur les carburants – n’a pas pour l’heure mené à une transformation des usages. Au contraire, indique Yves Crozet, il est plus incitatif pour des véhicules à forte consommation de carburants (SUV, 4×4). En cela, l’expérimentation orégonaise répond de manière pragmatique à la question du financement de la mobilité, sans toutefois interroger celle de la transformation du système de mobilités dans cette société post carbone.

Le financement au service de la transformation des usages : l’exemple de Singapour

La transition vers un système de mobilités adapté aux enjeux d’une société post carbone ne se décrète pas. Preuve en est, le covoiturage courte-distance en Île-de-France n’a pas su prendre son envol pendant les périodes de grève des transports ferroviaires. Ce pour une raison simple : la transformation des usages reste intimement liée à celle des infrastructures et services qu’il convient de financer (voies de covoiturage, voies prioritaires sur autoroute, pistes cyclables…).

À Singapour, cité-État à l’avant-garde du financement de la mobilité, une grande réflexion a été lancée pour développer l’utilisation des transports collectifs. Celle-ci passe par une augmentation de la densité du réseau de métro singapourien et en parallèle une action sur l’utilisation de la voiture. Pour cela, Singapour entend transformer l’historique système de gestion de la congestion (Electronic Road Princing) en un système de gestion des mobilitésgrâce à une tarification dynamique, en fonction du temps, du lieu et de la situation, destinée à encourager ou infléchir certains usages grâce à un signal-prix.

Mener la transition

Cette transformation de modèle ne sera pas indolore. Elle induit le passage de la mobilité dans un champ marchand où, à l’instar d’autres industries de réseaux telles que les télécoms ou l’électricité, le coût de chaque déplacement inclura les coûts d’exploitation du réseau et son usage. Pour Hervé Nadal, ce système devra être socialement acceptable, équitable et qu’il n’induise pas d’effets pervers. Yves Crozet précise que l’une des conditions de cette acceptabilité réside dans la capacité de ces nouveaux financements à être clairement affectés et que la mobilité permette, in fine, de financer la mobilité.

Financer la mobilité dans un monde post-carbone

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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