Grands projets et démocratie : un guide pour l’action
Qu’elle soit le fruit d’un rejet de la mondialisation et de la métropolisation ou d’une inquiétude sincère pour le sort du Grand Hamster d’Alsace et de la nature, qu’elle se manifeste par le credo du Zéro artificialisation nette ou par le cri du cœur des « NIMBY », cette contestation prend aujourd’hui une ampleur telle qu’il est permis de se demander si les grands projets sont condamnés.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette conflictualité, empreinte d’une dimension presque géopolitique, est avant tout le reflet d’une crise de la démocratie représentative. Cette dernière est aujourd’hui menacée de toutes parts : affaiblie par une défiance croissante vis-à-vis de la décision politique, des institutions publiques et de la figure de l’expert, elle souffre également de la polarisation de nos sociétés (sur laquelle la crise des gilets jaunes a jeté une lumière crue) et de la radicalisation du débat public que promeuvent Internet et ses bulles informationnelles.
La conflictualité qui entoure aujourd’hui les grands projets en viendrait presque à faire oublier qu’ils furent toujours l’un des instruments du progrès, et qu’ils le demeureront assurément. Car comment répondre à la transition démographique et à la métropolisation, comment relever les défis de la transition numérique et de la lutte contre le changement climatique sans concevoir et construire, pour les générations futures, de nouvelles infrastructures, de nouveaux projets d’aménagement ?
Le constat est donc clair : l’avenir est, encore et toujours, aux grands projets. Pour autant, tant que nous ne parviendrons pas à refonder notre approche des grands projets, à repenser leur utilité économique et sociale, les blocages subsisteront. Comment procéder ?
Tout d’abord en faisant renaître une ambitieuse politique d’aménagement du territoire portée par un État stratège et dont les ramifications doivent être compris de tous – ce qui implique de transmettre aux citoyens, par le biais de l’éducation, l’histoire de ces projets qui ont façonné villes et territoires et ont contribué à la prospérité de nos sociétés.
En renouvelant également notre approche de l’intérêt général : si la puissance publique en demeure, à juste titre, le dépositaire exclusif, elle ne peut plus, pour autant, le construire seule. Les intérêts des citoyens et des collectivités locales doivent être pleinement pris en compte, et la contribution qu’apportent à l’intérêt général les entreprises, dont la responsabilité sociétale et environnementale est désormais consacrée en droit français par la notion de raison d’être, doit être reconnue.
En nous saisissant ensuite des solutions et outils dont nous disposons d’ores et déjà (mécanismes de démocratie participative, compensations écologiques, finance verte, dispositif des « Internationale Bauaustellunge ») ; il nous revient de les perfectionner, de les faire connaître et d’en inventer de nouveaux.
En résolvant, enfin, l’équation insoluble des procédures. Car au-delà de la contestation, le mille-feuilles administratif et procédural avec lequel les grands projets doivent composer menace leur survie même : comment croire que l’on peut encore mener un projet dans les temps quand chaque procédure est l’occasion d’un recours en justice, quand un même projet peut nécessiter 37 démarches administratives ? En d’autres termes : WTF ?
En définitive, la question qui se pose à nous est dès lors la suivante : comment redonner un sens collectif à nos projets, qu’il s’agisse de grands projets d’infrastructure et d’aménagement urbain ou, plus fondamentalement, d’un projet de société ? Pas de solution miracle dans ces pages, bien sûr, mais des pistes prometteuses, des points de vue riches, complexes, parfois contradictoires, reflets des convictions fortes de nos experts et de notre groupe de travail, ainsi que de leur attachement à la sauvegarde de la démocratie, notre bien le plus précieux.
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La Fabrique de la Cité
La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.