Édito

Habiter dans 20 ans, quels scénarios pour l’avenir des territoires en France ? Présentation de l’étude de Terra Nova à Marseille

L’Observatoire des inégalités révélait en décembre 2017 que les 10% des ménages français les plus modestes consacraient à leur logement une proportion de leurs revenus quatre fois plus élevée que les 10% les plus aisés[1]. Alors que les inégalités en matière de mobilité ont été mises en exergue par la crise des « gilets jaunes », les inégalités de logement sont tout aussi prégnantes. Dans sa récente étude « Habiter dans 20 ans », issue des réflexions d’un groupe de travail auquel La Fabrique de la Cité a pris part en 2018, le think tank Terra Nova a imaginé ce à quoi pourrait ressembler l’habitat en France à l’horizon 2040. Dans le sillage d’une première présentation de l’étude à Leonard:Paris en avril 2019 en présence de Julien Denormandie, Ministre de la ville et du logement, La Fabrique de la Cité a organisé le 4 juillet dernier, à Marseille, un nouvel événement dédié à cette étude. Marc-Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova, a présenté à cette occasion les quatre scénarios dégagés par l’étude pour le futur des territoires français. À ses côtés sont intervenus Arlette Fructus, vice-présidente déléguée à l’habitat et à la politique de la ville de la Métropole Aix-Marseille-Provence, ainsi que Carles Llop, architecte-urbaniste et professeur à l’École d’architecture de l’Université Polytechnique de Catalogne.

Un contexte français favorable et en pleine mutation

Si la crainte d’un territoire de plus en plus contrasté entre « vides » démographiques et métropoles très peuplées semble répandue en France, Marc-Olivier Padis rappelle que toutes les communes françaises se développent aujourd’hui, y compris les petites. Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), de son côté, montrait en avril 2018[2] que les villes moyennes se trouvaient dans des conjonctures très variées, favorables ou non. Ces deux éléments nous invitent à relativiser et à mettre en perspective les perceptions de fracture territoriale et certains schémas explicatifs trop réducteurs : si la diagonale des faibles densités[3] est habituellement tracée entre le nord-est et le sud-ouest français, il serait plus juste, selon Marc-Olivier Padis, de la replacer à l’échelle européenne, entre la mer Baltique et la mer Noire.

« On peut imaginer une cascade bénéfique entre métropoles, villes petites et moyennes et zones rurales où chaque territoire parvient à mettre en valeur ses atouts et où la localisation ne serait plus un déterminant des inégalités sociales » – Marc-Olivier Padis

Les dynamiques démographiques futures des territoires et métropoles français sont au cœur de l’étude de Terra Nova. Celle-ci révèle en effet que les territoires amenés à connaître la croissance démographique la plus importante sont des territoires « intermédiaires », alors que les zones les plus peuplées accueilleront peu d’habitants supplémentaires et que les lieux les moins peuplés étaient déjà en déprise. Un rééquilibrage « en U », de la façade atlantique à Chambéry, en passant par le littoral méditerranéen, est plausible, dessiné par la métropolisation et l’héliocentrisme. Marc-Olivier Padis souligne que l’« on peut imaginer une cascade bénéfique entre métropoles, villes petites et moyennes et zones rurales où chaque territoire parvient à mettre en valeur ses atouts et où la localisation ne serait plus un déterminant des inégalités sociales ».

 

Paris et Marseille, territoires d’expérimentation pour une nouvelle urbanité

À l’aune des mutations actuelles des territoires français, des projets innovants ont vu le jour dans les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence.

 

« Le défi consiste, à Marseille comme dans d’autres zones tendues, à proposer une offre de logements diversifiée, de proximité et plus abordable, et à reconquérir le parc existant » – Arlette Fructus

À Paris, Carles Llop explique que le consortium New Deal[4] ambitionne d’apporter d’ici 2030 des solutions de mobilité intégrant davantage d’intermodalité, des routes moins congestionnées et polluées et une meilleure prise en compte de la diversité d’acteurs prenant part à la production urbaine. Au-delà des questions de mobilité, ce sont les interconnexions entre déplacements, logement, emploi et politiques urbaines que les porteurs du projet souhaitent aborder.

Arlette Fructus, vice-présidente déléguée à l’habitat et à la politique de la ville de la Métropole Aix-Marseille-Provence, note que « le défi consiste, à Marseille comme dans d’autres zones tendues, à proposer une offre de logements diversifiée, de proximité et plus abordable, et à reconquérir le parc existant » sur l’ensemble du territoire métropolitain. Une politique de renouvellement urbain ambitieuse et intégrée est aujourd’hui mise en œuvre, avec la rénovation de sites retenus par l’Agence nationale de renouvellement urbain (ANRU), la mise en place d’un programme national d’accompagnement des copropriétés à partir de cinq sites phocéens ou encore l’organisation d’Assises citoyennes de l’habitat début 2019. À la clé, la définition d’une stratégie métropolitaine du logement à l’échelle des 92 communes de la Métropole, laquelle constitue, pour Arlette Fructus, l’échelle pertinente de planification car « elle peut offrir la possibilité d’un parcours résidentiel et de vie de qualité en jouant sur la complémentarité et la solidarité des territoires ».

 

Briser les silos pour penser le futur : vers une vision intégrée des espaces urbains

Les anciens schémas d’aménagement, à l’image du modèle du pavillon avec jardin, ont débouché sur une périurbanisation non maîtrisée, de forts coûts économiques et environnementaux et une détérioration de la qualité de vie des Français. Ces schémas sont aujourd’hui fortement remis en cause et le constat de leur échec appelle une réflexion plus intégrée, mêlant aménagement, logement, mobilité et emploi.

À ce titre, Arlette Fructus souligne le travail en commun mené avec les autres vice-présidents métropolitains en charge de l’économie et des transports, mais aussi avec l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée et d’autres acteurs du territoire, pour créer « une cohérence entre tous les schémas structurants » développés au sein de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Elle insiste également sur la nécessité de préférer au concept de logement celui, plus complet, d’habitat, qui « englobe tout ce qui constitue l’espace à vivre immédiat en lien avec le logement, les espaces publics, les commerces, les transports. En un mot, il désigne ce qui fait cité, ce qui fait quartier, ce qui fait ville pour les administrés ».

Ce décloisonnement des réflexions doit également, pour Cécile Maisonneuve, présidente de La Fabrique de la Cité, trouver à s’appliquer au rapport entre logement et mobilité, car « ces deux thèmes sont structurants et engagent l’avenir des territoires et métropoles françaises ».

En repensant la façon d’appréhender l’urbanité, avec, en son cœur, l’ « habiter », c’est un nouveau modèle urbain qui peut émerger pour les territoires français.

[1] https://www.inegalites.fr/Les-menages-modestes-ecrases-par-le-poids-des-depenses-de-logement
[2] https://www.cget.gouv.fr/actualites/les-villes-moyennes-toutes-en-deprise-vrai-ou-faux
[3] http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/diagonale-faibles-densites
[4] https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/grand-paris-et-mobilite-voir-au-dela-du-periph-1026596

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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