Édito

« Infrastructures : une brève histoire de temps » : un opéra en trois actes

Plan Trump aux États-Unis, accord de coalition outre-Rhin, rapport Spinetta sur le ferroviaire ou révision du calendrier du Grand Paris Express en France : l’heure est à l’investissement dans les infrastructures. Même les États naguère encore réticents — songeons à L’Allemagne — se sont convertis à l’impérieuse nécessité d’investir dans les infrastructures. Pourquoi maintenant ? La cristallisation de multiples facteurs explique cet engouement : la fin de la crise ouverte en 2008, qui s’est achevée en 2015 en Europe ; la disponibilité de montagnes de liquidités ; le vieillissement de plus en plus visible du parc d’infrastructures hérité des Trente glorieuses ; la transition écologique, déjà bien engagée en matière électrique, encore balbutiante en matière de transports ; et toujours, l’affirmation du fait métropolitain qui se traduit par une croissance continue des grandes villes. « Les infras sont de retour » : acte premier.

L’acte deux se joue sous nos yeux : dans quoi investir ? S’agissant des infrastructures numériques, politiques, investisseurs, monde de la tech, tous sont rassemblés sur scène : le chœur chante à l’unisson pour soutenir en les nécessaires investissements dans les technologies qui portent la révolution techno-socio-économique qui se déroule devant nous. Scène suivante : en matière de transition énergétique, même chorale. En 2017, les investissements ont explosé dans les énergies renouvelables et, en dépit du couplet carboné de Donald Trump, les États-Unis se maintiennent à la deuxième place derrière la Chine, avec une hausse de 1% des d’investissements. États, contribuables et investisseurs continuent de plébisciter éolien et photovoltaïque.

Quid des infrastructures de mobilité ? La scène change : entre faux départs, abandons, hésitations, promesses éternelles, déclarations d’amour au rail pour les uns, à la route pour les autres, ni à l’un ni à l’autre pour ceux qui n’ont d’yeux que pour le numérique, nous voici dans Così fan Tutte. Faut-il faire « comme avant » — de grands projets d’infrastructures… structurants, ambitieux, visionnaires mais coûteux et dont la durée de conception comme de construction engagent collectivités et usagers sur des décennies ? Faut-il privilégier des alternatives plus rapides, moins coûteuses, mais moins structurantes pour les territoires ? Ainsi, la Chine qui a construit, entre 2010 et 2015, presque deux Grand Paris Express chaque année (373 kilomètres de lignes de métro) et investi 189 milliards de dollars, s’interroge. D’un côté, les infrastructures de mobilité sont nécessaires au développement de petites villes dynamiques qui doivent à la fois accueillir une main d’œuvre bon marché, vitale pour la poursuite du miracle chinois, et mettre un arrêt au gigantisme des mégalopoles qui deviennent ingérables. De l’autre, dans un pays où la dette nationale représente 250% du PIB, le poids financier de lourds investissements est risqué pour les villes plus modestes. Dans ce contexte, le bus à haut niveau de service (BHNS) est vu dans ce cas d’espèce comme une solution aux avantages multiples — le même BHNS d’ailleurs évoqué dans le cadre du Grand Paris, pour compenser les lignes qui ne seront pas construites ou achevées pour 2024. D’autres sont tentés par un troisième choix, en réalité un non-choix : il s’appelle big data, intelligence artificielle, il va remplir les voitures, personnaliser les parcours, pallier les offres inexistantes… Il ferait une belle conclusion dans un conte de fées.

Mais nous sommes dans un opéra en trois actes : déplacer des personnes coûte de l’argent et personne n’investira là où n’existent ni demande suffisante ni infrastructures adéquates, pas même les investisseurs audacieux de la nouvelle économie. Le troisième acte verra se dessiner deux camps : celui des visionnaires, qui doseront entre choix structurants, solutions légères et flexibles, sur fond d’engagement public maîtrisé et d’innovation financière, technologique, partenariale, etc., bref adapteront les solutions aux territoires et à leurs contraintes ; celui de l’inaction, qui risque fort d’écrire in fine un drame en quatre actes quand viendront les conséquences de l’attentisme.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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