Point de vue d'expert

Jour 2 : La bataille de la route : la route face aux défis environnementaux

En septembre 2023, La Fabrique de la Cité était partenaire d’un colloque consacré à la route, co-organisé à Cerisy par Mathieu Flonneau et Frédéric Monlouis-Félicité.

 

Ce texte a pour vocation de donner un rapide aperçu des présentations des différentes intervenants et des échanges qui ont eu lieu dans le cadre du Colloque. Il sera suivi de la publication d’actes, complets, rassemblant les contributions universitaires et expertes ainsi que les différentes sources et références mentionnées au cours de ces journées de réflexion.

 

La Fabrique de la Cité tient à remercier Angèle Le Prigent, doctorante en Science Politique au Laboratoire Arènes à l’université de Rennes, Roman Solé-Pomies, en thèse de doctorat au Centre de sociologie de l’innovation (Mines Paris-PSL), Emma-Sophie Mouret, docteure en histoire de l’aménagement du territoire et de l’environnement, LARHRA, Université Grenoble Alpes, et Jean-Clément Ullès, doctorant au Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier (LAGAM) pour ce travail de synthèse.  

 

La Fabrique de la Cité remercie également le Centre culturel international de Cerisy et l’Association des amis de Pontigny-Cerisy, ainsi que l’ensemble des co-partenaires de ce colloque « Comprendre la route » : l’association P2M, le laboratoire Sirice et l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, le Syndicat des équipements de la route, la Fédération nationale des Travaux publics, l’Union routière de France, et Route de France.  

« La route au cœur des tensions écologiques : faire la paix après la bataille de la vitesse ? »

par Arnaud Passalacqua, professeur des Universités, auteur de La Bataille de la route (2010)

Arnaud Passalacqua dresse un diagnostic des problématiques environnementales liées aux infrastructures routières. La route génère des pollutions qui peuvent être visibles (nuages de pollution, déchets le long des routes, insectes collés au pare-brise) ou invisibles (rejet du CO2 dans l’atmosphère, perturbations du sol et de l’eau, etc.). Les effets pour la faune et la flore sont nombreux: effet de barrière, collisions mortelles, perturbations hydrographiques et hydrologiques, pollutions par le bruit et la lumière. En outre, la route contribue à l’atteinte des 9 limites planétaires, qui laisse prévoir des extinctions d’espèces.

 

Mais si une infrastructure routière déstabilise la faune et la flore, l’ensemble de ces infrastructures ne recouvre que 1,2% du territoire national. Et Arnaud Passalacqua de préciser que le problème réside dans les usages qui sont faits de la route et sont pensés dans le projet d’infrastructure. Ceux-ci sont jugés anachroniques. Il invite donc à penser une route “ de notre époque”.

 

Table ronde : « La transition écologique de la route passera par la diversification de l’offre de mobilité » avec Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des mobilités ; Patrice Geoffron, économiste, Université Paris Dauphine ; André Broto, ancien directeur de la stratégie et de la Prospective, VINCI Autoroutes ; Julien Guez, directeur général, Fédération nationale des travaux publics (FNTP).

Animatrice : Céline Acharian, directrice générale, La Fabrique de la Cité

 

Les intervenants ont exploré les différentes manières de décarboner au plus vite la route et les pratiques de mobilité. Pour ce faire, la multimodalité est incontournable. L’usage de la voiture individuelle pourrait être contesté au profit de nouveaux modes et de nouveaux usages, chacun à son échelle : modes actifs (marche, vélo), covoiturage, transports collectifs (dont les cars express pour les longues distances), et véhicules intermédiaires (légers, peu consommateurs, compatibles avec des déplacements quotidiens plus sobres)… Un investissement massif dans les infrastructures routières et autoroutières est à prévoir, notamment pour que la route soit le support des mobilités électriques et qu’elle utilise des matériaux plus sobres.  A l’interface entre infrastructures de transport et usages, les pôles d’échanges multimodaux et les parcs-relais ont un rôle à jouer pour faciliter la bascule vers une mobilité bas carbone.

 

Au-delà de la problématique environnementale de l’infrastructure routière, les intervenants ont rappelé l’évolution, au fil des siècles puis des dernières décennies, de la demande et des besoins de mobilité des Français (amplitude et fréquence des déplacements). Ceci explique le poids croissant depuis les années 1960, des émissions de CO2 dans le champ du transport en général. La diversification des usages de la route doit se coupler à une nouvelle façon de repenser globalement nos déplacements (nouvelles polarités, pratiques, horaires, partage…) et de repenser l’organisation du territoire, la redondance et la cohérence de l’offre de mobilité.

 

« Une transition qui nécessite d’innover, dans le champ technique comme dans le champ institutionnel »

avec Jean-Pierre Orfeuil, spécialiste des mobilités ; Bernard Jacob, professeur à l’Université Gustave Eiffel ; Angèle Le Prigent, doctorante, aménagement et action publique territoriale ; Jean-Pierre Paseri, président de Routes de France.

Animateur : Pascal Griset, historien de l’innovation et des techniques

 

À partir de trois exemples (la Société du Grand Paris, les véhicules autonomes et le partage de véhicules), Jean-Pierre Orfeuil interroge le déploiement des « innovations » en matière de mobilité. Certaines innovations fonctionnent parce qu’elles sont discrètes (Blablacar), qu’elles reçoivent un soutien politique fort (les cars Macron), qu’elles trouvent un contexte institutionnel favorable (zones 30). Elles s’ajoutent souvent aux mobilités existantes plutôt qu’elles ne les remplacent, nécessitent des arrangements institutionnels et financiers complexes, et appellent une forte implication des pouvoirs publics.

 

Bernard Jacob revient sur la route dite de « cinquième génération ». Face aux limites des solutions techniques de substitution aux véhicules thermiques (problèmes de masse des batteries, des infrastructures de recharge et de la production d’électricité), des autoroutes électriques pourraient alimenter les véhicules pendant leur parcours. La recharge par caténaires serait limitée aux poids lourds, mais des boucles d’induction par la chaussée pourraient recharger tous types de véhicules.

 

Jean-Pierre Paseri présente les efforts réalisés par l’industrie routière pour la décarbonation des infrastructures (dont la construction représente 3,5% des émissions de GES associées aux routes). L’optimisation des techniques d’enrobés a permis de réduire ces émissions de 36% entre 1990 et 2019 et permettrait d’atteindre -57% en 2030. Cependant, ces efforts dépendent aussi des commanditaires, qui sont pour deux tiers du chiffre d’affaires des maîtres d’ouvrage publics.

 

Angèle Le Prigent examine le contexte institutionnel des développements techniques, en abordant la récente loi 3DS comme une innovation institutionnelle. Dans une redistribution des compétences des acteurs publics, le volet routier de la loi 3DS propose une décentralisation à géométrie variable. Il applique une logique expérimentale (essai-erreur avec bilan à huit ans) avec le transfert de certains tronçons aux régions. A l’heure où les ressources publiques peinent à assurer l’entretien de ce patrimoine, ces transferts de gestion doivent encore démontrer leur efficacité.

Ces autres publications peuvent aussi vous intéresser :

Jour 4 : La route, un espace commun ?

Jour 3 : « En route »

Jour 5 : Les imaginaires de la route

Comprendre la route

La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

Recevez notre newsletter

Restez informé des études et de l’actualité de La Fabrique de la Cité en vous inscrivant à notre publication hebdomadaire.

Inscription validée ! Vous recevrez bientôt votre première newsletter.