Édito

La COVID-19, ouvrière fordiste de l’urbain ?

Depuis peu, l’arrivée d’une certaine économie dans les centres-villes cristallise les débats sur le devenir des aires urbaines. Ainsi, de grandes enseignes périurbaines comme Ikea ouvrent des magasins à Paris intra-muros, sans que l’on sache si ce modèle économique fera des émules ailleurs que dans les grandes métropoles. Amazon, elle, s’implante dans les avenues passantes des villes nord-américaines après avoir fortement concurrencé les librairies. La gentrification, y compris de villes petites et moyennes comme Perpignan ou Albi, conduit dans le même temps à requalifier un bâti dégradé et vétuste, tandis qu’en Europe la verticalité urbaine quitte les banlieues pour se relocaliser dans les centres-villes sous la forme d’immeubles de bureaux, comme à Marseille et Lille, ou de condominiums luxueux, comme à Lyon et son programme Confluence. Ces phénomènes traduisent-ils toutefois une réelle croissance démographique des centres-villes et, si oui, au profit de qui ?

Le retour de l’économie – des habitants, des investissements, des activités commerciales et tertiaires – en ville, s’il se poursuivait, constituerait un retournement spatial historique des politiques et stratégies d’aménagement urbain, marquant le passage d’une politique d’incitation à la suburbanisation à une politique de requalification des centralités historiques. Ce mouvement signerait la fin de l’hégémonie du modèle de la ville fordiste, fondé sur l’industrialisation et la standardisation des formes et des équipements urbains, l’accession à la propriété d’un pavillon de banlieue et la mobilité individuelle motorisée, modèle ayant conduit à plus d’un demi-siècle d’étalement urbain.

Oui mais la fin de la ville fordiste, c’était le monde d’avant. Est arrivée ensuite la crise sanitaire de la COVID-19, accompagnée de l’épreuve du confinement en ville. Cette dernière a conduit à replacer les débats sur le retour de l’économie en ville dans des considérations plus larges et plus anciennes, souvent hygiénistes voire anti-urbaines, sur une fin de la centralité urbaine et la promotion d’un retour à la « nature » ou à la « campagne ». Les mouvements de population et les investissements en direction des centralités seront-ils négativement et durablement affectés, voire neutralisés, par la crise sanitaire ? Une chose est certaine : exode urbain ou non, la COVID-19 plaide en faveur d’un étalement des villes contraire à la concentration urbaine et à son corollaire, la renaissance des centres historiques, faisant du coronavirus le nouvel agent fordiste de la ville du monde d’après.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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