La ville, infiniment ? Aux confins de l’urbain…
Par les effets couplés de la mondialisation, des précédentes révolutions industrielles et du paradigme fordiste de l’aménagement (péri)urbain, la ville a changé d’échelle et de nature et l’urbain s’est généralisé à l’ensemble des territoires. Aujourd’hui, 55 % de la population mondiale vit en ville et ce chiffre est en constante augmentation, si bien que la notion de ville interroge celle de ses limites, y compris épistémologiques, philosophiques et ontologiques, voire celle de son illimité.
Entre étalement, verticalisation, virtualisation, métapolisation mais également contraction voire abandon sélectif ou spontané d’espaces, l’urbain a-t-il pour vocation de croître indéfiniment ? Marc Bourdier, architecte et professeur à l’ENSA, et Jérôme Ansaldi, directeur délégué de BATEG à VINCI Construction France, étaient les invités de La Fabrique de la Cité pour discuter des limites aux dynamiques d’urbanisation.
Le Japon, entre urbanisation continue et marges en déclin
Pour parler des frontières de l’urbain, le Japon constitue un cas intéressant par les phénomènes paradoxaux qu’il abrite. Ce pays, deux fois plus petit que la France mais deux fois plus peuplé, concentre un quart de sa population dans un axe Osaka-Tokyo urbanisé de façon ininterrompue sur 500 kilomètres. À une échelle plus locale, le développement de Tokyo s’accompagne en outre d’une artificialisation de la baie.
À l’inverse de ces fronts d’urbanisation dynamiques, le déclin démographique du pays se manifeste par l’abandon de quartiers entiers, vidés de leurs habitants, en particulier dans les périphéries. Cette contraction se double d’un retour de la population dans les centres-villes pour se rapprocher des aménités urbaines. Marc Bourdier s’interroge sur la nature des marges urbaines : sont-elles spatiales ou sociales ? Sont-elles périphériques ou peut-on les trouver dans les cœurs de ville ? Et de clore son propos en évoquant l’hypothèse de la ville infinie dans un monde fini.
La Défense, l’infini des hauteurs
Pour Jérome Ansaldi, la Défense est une bonne illustration de la ville infinie. Quartier construit comme un prolongement de la ville de Paris, cette marge est progressivement devenue le premier centre d’affaires d’Europe continentale. Avec trois millions de mètres carrés de bureau, 600 000 mètres carrés de logement et un grand centre commercial, La Défense a acquis le statut de centre résolument urbain qui fait face au triple défi de la digitalisation, de l’inclusion et de la durabilité.
Vieux de 60 ans, le quartier reste résolument moderne et en constante mutation, avec un nombre de projets record et des réalisations de tours iconiques comme la nouvelle tour Saint-Gobain et son ascenseur panoramique. Selon Jérôme Ansaldi, les nouveaux projets de tour (Tours Duo, Tour Triangle…) ont la particularité de remettre en question l’usage monofonctionnel du bâti vertical, avec, par exemple, l’intégration d’un hôtel au dernier étage de l’une des Tours Duo, qui sera aussi le nouveau siège de Natixis. Ce développement de la verticalité urbaine pose plusieurs enjeux : l’importance du dialogue avec le politique, l’insertion du chantier dans la ville afin de limiter la pollution et les nuisances et la prise en compte du cycle de vie du bâtiment – comme illustrée par la reconversion de la tour Pleyel.
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La Fabrique de la Cité
La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.