« Le Québec est un cas unique au monde que je trouvais intéressant pour étudier l’interaction entre une subvention, au niveau fédéral ou provincial, et des politiques plus locales. » Jean François Fournel
La Fabrique de la Cité s’est associée à l’AFET (Association Française d’Économie des Transports) pour décerner le prix « Économie des transports », qui récompense le meilleur article proposé par un chercheur – ou un collectif de chercheurs – en doctorat ou n’ayant pas plus de 5 ans d’ancienneté post-doctorat. Ce prix a été remis le 21 novembre dernier à l’occasion du deuxième colloque de l’AFET.
Le lauréat de cette première édition du prix « AFET – La Fabrique de la Cité en économie des transports » est Jean-François Fournel (Toulouse School of Economics) pour ses travaux sur la performance environnementale des programmes de subvention des véhicules électriques au Canada. Ses travaux, en se basant sur des données canadiennes, mesurent la rentabilité des mesures d’incitation en faveur des véhicules électriques.
La Fabrique de la Cité : Pourriez-vous nous présenter votre recherche en quelques mots ?
Jean-François Fournel : Dans ce projet de recherche, j’ai étudié la performance environnementale des subventions aux véhicules électriques, qui sont très importantes au Canada. Réduire les émissions de gaz à effet de serre par ce type de politique d’incitation fait partie d’un agenda plus large sur la réglementation du marché automobile.
J’ai essayé de mesurer leur impact sur les ventes de véhicules et sur le déploiement des bornes de recharge. J’ai aussi proposé un calcul du coût de la réduction des émissions de carbone provoquées par ce type de politique. Les résultats montrent que ce coût est assez élevé, puisqu’il s’élève à près de 330 dollars canadiens, soit 220 euros par tonne de carbone évitée.
LFDLC : Pourquoi vous être intéressé à l’exemple canadien ?
J-F Fournel : Premièrement, je suis canadien, je suis originaire de Montréal. C’était donc un secteur et un contexte que je connaissais très bien, et j’avais facilement accès aux données.
Le Québec, et plus spécifiquement son marché, est un cas unique au monde. En effet, les bornes de recharge sont déployées par les gouvernements municipaux, alors qu’ailleurs, ce sont des compagnies privées qui installent ce genre de d’infrastructures. Je trouvais donc intéressant d’étudier l’interaction entre une subvention, au niveau fédéral ou provincial, et des politiques plus locales, municipales.
LFDLC : Quelles sont les conclusions de votre étude ?
J-F Fournel : Les résultats sont un peu décevants dans le sens où ce n’est pas le genre de politique qui entraîne une énorme réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, même si on doublait la flotte de véhicules électriques, cette flotte est si petite que cela ne produit pas des effets spectaculaires. Les ventes de véhicules électriques sont très marginales et elles le deviennent un peu moins, du fait de ces subventions.
Je dirais malgré tout que les effets ont été assez positifs si l’on considère que l’enjeu pour le gouvernement était d’atteindre la mise en service d’un certain nombre de véhicules électriques. Cependant si l’objectif était de réduire les émissions de carbone, je dirais que les résultats sont un peu moins satisfaisants.
LFDLC : Qu’est-ce que cela ouvre, selon vous, pour les politiques publiques en termes de mobilité électrique ?
J-F Fournel : Au cours du développement de ce projet, j’ai échangé avec des représentants du ministère des Finances du Québec, qui a un département d’études économiques. Lorsqu’il lance ce type de projet, le ministère n’a aucune idée de l’impact qu’il aura sur les consommateurs. Ils ne connaissent pas, par avance, le montant de subvention qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs.
Pour eux il est donc important de quantifier ces effets-là, c’est une variable très importante. Mes recherches alimentent maintenant les discussions sur le prolongement de cette politique. La dernière fois que j’ai discuté avec eux, ils avaient pris la décision de réduire les subventions. Je pense qu’à partir de 2027, il n’y aura plus aucune subvention pour l’achat de véhicules électriques parce que c’est très coûteux. Cela a été efficace pour lancer un marché au début, maintenant c’est moins nécessaire.
Interview réalisée par La Fabrique de La Cité
La Fabrique de la Cité
La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.