Figure ci-dessus. [18]
Les produits à terme du marché européen de l’énergie ont des prix plus stables que sur le marché à court terme, les prix étant formés par la moyenne des prix des produits spot sur une certaine période.
La guerre en Ukraine a provoqué une hausse des prix du gaz en Europe : en août 2022, les prix du gaz dans l’UE ont connu une hausse de 1 000 % par rapport au prix des décennies précédentes [19]. En 2021, 40 % du gaz importé en Europe venait de Russie [20] et l’embargo a provoqué une tension très forte sur l’offre du gaz, qui s’est répercutée sur les prix de l’électricité sur le marché européen.
La hausse des prix de l’électricité liée à la crise énergétique de 2022 a d’autant plus renforcé cette attention des collectivités. Cette hausse est documentée dans le Rapport de surveillance 2022 de la Commission de régulation de l’énergie [21]. En revanche, on observe une nette différence dans l’impact de la crise sur les collectivités en fonction de leur taille et de leur profil de consommation. Pendant la crise énergétique, celles concernées par un renouvellement de leurs contrats de fourniture d’électricité ont pu être particulièrement confrontées à cette hausse des prix.
En France et en Europe plus généralement, des mesures ont été prises par les pouvoirs publics – chauffer les bâtiments publics à 19°C maximum, en Allemagne, l’illumination de certains bâtiments est interdite – pour diminuer les consommations énergétiques [22]. En France, ces dispositions se sont notamment traduites par le plan de sobriété présenté en octobre 2022, qui vise une baisse de 10 % des consommations de gaz et d’électricité en 2024, et décliné dans des plans de sobriété dans les collectivités locales [23]. Dans nombre de ces plans, la question du renouvellement du parc d’éclairage public et celle des mesures d’extinction étaient abordées, ce dont témoigne notamment l’Association des maires de France [24].
2. Quelle place l’éclairage public occupe-t-il dans la vie de la cité aujourd’hui ? Des dimensions techniques aux dimensions sensibles.
Dans ce contexte en effet, l’éclairage public représente un « poste de consommation » d’énergie non négligeable. La crise énergétique a suscité un regain d’intérêt pour celui-ci. Il s’agit désormais d’en cerner les contours, par plusieurs approches :
- Quelle est la taille du parc, son état ?
- Comment s’intègre-t-il dans l’espace public et permet-il de concilier ses usages ?
- Dans les écosystèmes ?
La compétence « éclairage public » est attachée au bloc communal: le pouvoir de police générale du maire lui donne le dernier mot en ce qui concerne l’éclairage de sa commune, héritage de ce lien historique entre éclairage et sécurité.
Hors sujet de sécurité, la compétence « éclairage public » peut être déléguée à une intercommunalité avec ou sans fiscalité propre.
L’éclairage public est assez peu réglementé à l’échelle nationale, il n’est pas obligatoire. Le recueil de données relatives à ce sujet est à l’initiative des parties prenantes du secteur: il n’existe pas de base de données consolidées à l’échelle du pays. Depuis septembre 2023, l’AFE (Association Française de l’Éclairage) et d’autres acteurs de l’éclairage public s’associent pour actualiser et consolider les données à disposition. Un projet d’Observatoire est en cours, mais il n’a pas encore vu le jour.
L’AFE estime à 12 millions le nombre de points lumineux en France environ, contre 10,8 millions en 2012 (7,2 millions en 1990). Le nombre moyen d’heures d’éclairage à puissance nominale est évalué à 3 500 heures en 2012 contre 2 100 heures en 2022 [25].
En ce qui concerne la consommation énergétique du parc, elle est stable entre 2000 et 2012, entre 5.5 et 5.9 TWh (soit, en ordre de grandeur, la production annuelle d’un réacteur nucléaire de 900 MW). En 2017, elle représentait 3.7 TWh et se situe aujourd’hui autour de 3 TWh, soit 0.65 % de la consommation totale d’électricité en France. L’éclairage public représente 32 % des consommations d’électricité des collectivités territoriales, 12 % des consommations toutes énergies confondues [26].
Le taux de pénétration des LED (pour plus de détails sur les différentes solutions techniques qui ont existé pour éclairer les villes, se reporter à l’annexe p.32) est estimé à 30 % selon les données récentes diffusées par l’AFE, mais on peut trouver des données moins optimistes à ce sujet : ce taux est estimé à 20 % dans le guide Ademe-FNCCR « Rénover l’éclairage extérieur », datant de 2021 [27]. L’interdiction en 2027 de la commercialisation des lampes à décharge (dont font partie les lampes à vapeur de sodium) va probablement accélérer cette tendance dans les années à venir.
15 à 20 % des luminaires ont plus de 25 ans [28] (des données plus anciennes estimaient ce taux à 40 %) : un effort de renouvellement a été effectué. Les lampes à vapeur de mercure ont quasiment disparu à la suite d’une interdiction de commercialisation depuis 2015 au niveau européen [29].
Dans ce contexte, depuis une petite dizaine d’années, les collectivités territoriales sont incitées à renouveler et moderniser leur parc d’éclairage public afin de réduire les consommations d’électricité (dont l’efficacité demeure bien plus importante que les anciennes technologies, notamment pour la vapeur de sodium). Les retours sur investissement sont relativement rapides, entre 5 et 10 ans environ. Cette durée varie en fonction des éléments qui sont remplacés, comme les ampoules, le mât, les armoires, ainsi que des solutions techniques choisies.
À ces contraintes physiques, économiques et techniques, s’ajoute la prise en compte des effets de l’éclairage sur les écosystèmes, ainsi que la conciliation des « usages de la nuit », par exemple à des fins d’observation scientifique.
3. L’éclairage : d’un luxe à une pollution
Les préoccupations relatives à la pollution lumineuse émergent d’abord dans le milieu de l’astronomie : la lumière artificielle perturbe leur objet d’étude. L’Union d’astronomie internationale adopte une résolution en 1979 pour la protection des sites astronomiques. En France, c’est la branche française, le centre pour la protection du ciel nocturne (qui deviendra l’ANPCN en 1998, puis l’ANPCEN en 2006) qui porte ces enjeux (notamment au Grenelle de l’environnement en 2007, à la suite de son adhésion à l’association France Nature Environnement).
Progressivement, la pollution lumineuse commence à intéresser d’autres acteurs : des écologues, des médecins, des collectivités, des fabricants de luminaires, des concepteurs lumière, etc. Au fil de ce processus, une controverse se construit autour du terme à employer pour décrire le phénomène : parle-t-on de pollution lumineuse ou de nuisances lumineuses ? La première version est celle employée par les « environnementalistes » et la seconde par les « technicistes » [30].
Une publication fait date dans le processus de mise à l’agenda de la problématique : un article paru en 2001 « The first world atlas of the artificial night sky brightness », qui révèle qu’un cinquième de la population mondiale, deux tiers de la population des États-Unis et la moitié des Européens ont perdu la possibilité de voir la Voie lactée à l’œil nu. Elle affecte les sociétés humaines ainsi que la biodiversité [31], conduisant à réfléchir à la manière d’atténuer ces impacts.
La pollution lumineuse [32] est un phénomène mondial qui trouble l’alternance entre lumière et obscurité et ainsi fragmente les habitats. Les animaux nocturnes sont perturbés dans leurs activités de chasse, de reproduction, de communication intraspécifique, etc. Sur le sujet, une note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de janvier 2023 [33] propose une synthèse de ces constats et suggère l’idée d’une sobriété lumineuse de l’éclairage, « distincte de la sobriété énergétique ».
Cette prise de conscience a donné lieu à l’élaboration de « trames noires » [34] en complément des « trames vertes et bleues» existantes [35].