Édito

Les distances intermédiaires au cœur des enjeux de la loi Mobilité

Chaque jour, 16,7 millions de personnes résidant en France parcourent en moyenne près de 14,6 kilomètres pour se rendre sur leur lieu de travail. Et le trajet quotidien de ces navetteurs ne cesse de s’allonger. Depuis 1999, la proportion des déplacements de moins de 10 kilomètres a diminué alors que la part de ceux compris entre 20 et 50 kilomètres a augmenté.

Bien qu’elles concernent un Français sur quatre, ces mobilités sur les distances intermédiaires sont le parent pauvre des politiques de mobilité. Cette catégorie de déplacement ne dispose ni d’un diagnostic précis, ni de données solides, ni d’une gouvernance clairement identifiée, ni d’alternatives crédibles à la voiture. Comparée aux politiques déployées sur les distances inférieures à 10 kilomètres ou supérieures à 100 kilomètres, riches en offre multimodale, cette catégorie intermédiaire cumule l’ensemble des handicaps. Du côté de la collectivité, elle supporte des charges de fonctionnement élevées et nécessite de lourds investissements, souvent peu ou pas rentables ; du côté de l’usager, elle signifie congestion au quotidien, choix modal limité, voire nul, et absence d’offre à bas coût. Ce constat n’est pas nouveau. Mais les tendances à l’œuvre appellent des réponses urgentes, tant elles s’imbriquent étroitement avec des problématiques d’emploi, d’étalement urbain, d’insertion sociale et de transition énergétique, dans un univers de mobilité dominé par la voiture.

A l’ère de la révolution numérique, il est tentant de faire des nouvelles technologies la réponse unique aux défis soulevés par cette catégorie de distance. Remplir les voitures grâce aux algorithmes ? Tentant mais fragile tant la complexité des questions soulevées ici ne saurait être soluble dans une pensée magique aussi confortable qu’illusoire. Si le numérique apporte de nouveaux outils de connaissance, de calcul d’itinéraires ou de gestion du trafic, il ne saurait résoudre à lui seul la congestion ou la pollution. Nouvel outil au service de l’action publique en matière de mobilité, il ne peut dispenser celle-ci d’une action durable sur l’espace physique, sur le financement et sur la gouvernance des mobilités.

Dans ce contexte, et alors que le projet de loi Mobilité à venir entend donner la priorité aux transports du quotidien, il est temps de donner à ces mobilités orphelines le portage technique, institutionnel et politique qui leur manque.

Agir sur ces mobilités, c’est d’abord mieux les connaître : or, dans les zones peu denses, qui échappent aux autorités organisatrices de mobilité, souvent exclusivement axées sur le transport en commun, les données sont éparses. Nos habitudes de mobilité dans ces territoires sont dans l’angle mort de la collecte des données sur nos déplacements. C’est ensuite repenser l’organisation des autorités organisatrices au-delà des frontières administratives. Les bassins de vie doivent être centraux dans la réorganisation d’un système organisé autour des besoins et des usages, y compris automobiles. Agir sur ces mobilités orphelines, c’est encore traiter de front les questions de financement et la baisse continue du coût d’usage de la voiture. C’est enfin favoriser l’émergence de nouveaux usages en travaillant sur l’infrastructure physique. Aujourd’hui, la route est le seul réseau en capacité de fonctionnement à n’être pas saturé en nombre d’usagers, tout en l’étant en nombre de voitures. Or, sur une majorité d’axes, l’infrastructure ne fait pas de distinction entre les modes vertueux et les autres : bien que préférables du point de vue de l’optimum collectif, les bus et covoitureurs subissent les effets dans la congestion au même titre qu’un autosoliste. En la matière, le dialogue est pourtant fécond entre outils numériques et aménagements physiques.

La loi sur les Mobilités peut faire entrer les transports du quotidien dans un nouvel âge. Pour relever ce défi, deux impératifs : réconcilier métropoles avec leurs périphéries et rassembler les acteurs de la mobilité dans toute leur diversité.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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