Édito

Les métropoles en réseau : réinventer l’attractivité urbaine

Toni Hermoso Pulido — flickr.com (CC BY-SA 2.0)

Magnétiques, les villes continuent d’exercer sur les hommes, les idées et les innovations une attraction irrésistible. Longtemps, cette force d’attraction a semblé découler naturellement tantôt d’une situation géographique avantageuse ou d’une influence politique prononcée, tantôt d’une vitalité économique ou d’un rayonnement culturel marqué. Alors que les villes, et notamment les métropoles, se livrent une concurrence toujours croissante à l’échelle nationale sinon internationale, l’attractivité, cette capacité des villes à attirer et retenir des ressources et à se démarquer de ses pairs, s’est muée pour nombre d’entre elles en objectif stratégique propre. Pour assurer cette attractivité vis-à-vis des entreprises et des visiteurs comme de leurs habitants, les villes s’attachent à comprendre et exploiter leur potentiel, tirant parti de leurs spécificités pour façonner, à coup de stratégies de marketing territorial élaborées, une marque reconnaissable.

Mais l’attractivité, notamment touristique, n’est pas sans créer des externalités négatives. En témoigne le sort peu enviable de Venise, mais aussi les difficultés que rencontre aujourd’hui Barcelone : victime de sa propre popularité, la ville a vu son nombre de visiteurs annuel passer de 1,7 million en 1990 à 7,4 millions en 2012. Une hausse si prononcée que la capitale catalane s’inquiète aujourd’hui de sa capacité à demeurer attractive aux yeux de … sa propre population, éprouvée par la pression qu’exerce le tourisme sur les prix de l’immobilier comme sur les espaces publics.

Victime de sa propre popularité

Venise a vu son nombre de visiteurs annuels passer de 1,7 millions en 1990 à 7,4 millions en 2012

Que l’on ne s’y méprenne pas : le tourisme, qui représente 12% de son PIB, est pour Barcelone une précieuse source de revenus ; ce sont les inégalités nées de ce qu’elle qualifie de « bulle » que la maire Ada Colau semble aujourd’hui déterminée à combattre. D’un projet de limitation du nombre de touristes en ville à l’institution d’une taxe pénalisant les séjours les plus courts, la ville s’est illustrée par plusieurs mesures fortes visant, notamment, à endiguer l’augmentation des loyers et l’explosion des locations non autorisées. À ce titre, la ville a infligé un revers significatif à Airbnb en conditionnant la mise en location d’appartements sur la plateforme à l’obtention d’un permis, et en soumettant l’entreprise américaine à une amende de 60 000 € lorsqu’elle manqua à cette obligation.

Avec 7,8 millions de touristes étrangers en 2014, Amsterdam fait face à un problème voisin de celui de Barcelone. Elle y apporte toutefois une solution radicalement différente, en la forme d’une Direction des équilibres (« Stad in Balans ») fondée en 2013 pour assurer un équilibre entre qualité de vie citadine et attractivité touristique. Construction de 5 000 nouveaux logements par an, lutte contre les hôtels illégaux, désengorgement des zones les plus congestionnées … autant d’actions par lesquelles Amsterdam entend réconcilier les rythmes et attentes parfois incompatibles de ses résidents et visiteurs.

L’attractivité est une équation subtile dont les villes ne maîtrisent pas tous les paramètres.

Le constat à tirer de ces deux exemples est clair : plus qu’une stratégie, l’attractivité est une équation subtile, dont les villes ne maîtrisent pas tous les paramètres. Autre exemple d’une attractivité urbaine imprévue et parfois mal vécue : celle qu’exercent aujourd’hui certaines villes européennes vis-à-vis de populations réfugiées, les contraignant à mettre en œuvre une stratégie de résilience face à un choc démographique à l’ampleur inattendue. Par ailleurs, d’autres villes, désireuses de maintenir leur potentiel innovant et leur statut économique, se tournent vers des politiques d’attractivité sélectives destinées à séduire de jeunes professionnels qualifiés par le biais de politiques de logement, transport et loisir ciblées. Ce choix entraîne nécessairement l’afflux d’une main d’œuvre moins qualifiée, démontrant encore une fois combien l’équilibre de l’attractivité est volatil, et combien certaines variables de l’équation échappent aux villes.

Une piste de réflexion : dans ce monde de l’échange qui se construit sous nos yeux, l’attractivité d’une ville ne gagnerait-elle pas à être vue non plus comme sa seule capacité à concentrer toujours plus de richesses et de talents, mais aussi comme celle de relier les richesses et les talents d’autres villes incluses dans son réseau ? La notion d’attractivité s’enrichirait alors des notions de rayonnement et d’influence, les stratégies d’attractivité s’appuieraient davantage sur la coopération entre villes et la construction de réseaux que sur la concurrence. Les métropoles tireraient parti des synergies inhérentes à ces réseaux pour pallier leurs désavantages compétitifs, résorber les externalités négatives, et ainsi accroître leur influence. Attirer par une stratégie de réseau plus que par une démarche concurrentielle : au-delà d’un apparent paradoxe, c’est bien un champ d’innovation supplémentaire qui s’ouvre pour les métropoles.

Cet édito est extrait de L’Instant Urbain (octobre 2016) de La Fabrique de la Cité.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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