Édito

Les villes : acteurs globaux de la transition écologique

En décembre 2015, 195 délégations présentes lors de la COP21 signaient l’Accord de Paris sur le climat. Inédit par son ampleur, cet accord n’aurait pu voir le jour sans le rôle et le soutien actif des grandes villes, à commencer par celle de Paris. À l’heure où un certain nombre de gouvernements nationaux se désengagent des enjeux environnementaux, de plus en plus de (très) grandes villes, qui se sentent investies d’une responsabilité particulière au regard de leur poids démographique et de la quantité de leurs émissions, deviennent des acteurs clés de la transition écologique. Conscientes des limites à la fois spatiales et politiques de leur champ d’action, elles se regroupent en réseau, formant une nouvelle diplomatie, parallèle à celle issue de la géopolitique classique. Les villes et les gouvernements métropolitains seraient-ils les acteurs pertinents de la transition énergétique et de la lutte contre les dérèglements environnementaux et climatiques globaux ?

La Fabrique de la Cité a invité Silvia Marcon, Head of Chair Office du C40, Cédissia About, responsable du pôle innovation et bâtiment durable de la mairie de Paris, et Alain Guillaume, Business Development and Marketing Manager chez OMEXOM, de VINCI Energies, pour discuter des politiques urbaines mises en place pour une transition énergétique réelle des économies et des sociétés contemporaines. L’occasion d’échanger également sur les marges de manœuvre des gouvernements urbains et leur capacité à se coordonner et à agir à l’échelle globale, en court-circuitant les canaux étatiques traditionnels des politiques internationales.

La bataille contre le changement climatique aura lieu dans les villes

Malgré les efforts consentis, les politiques environnementales ne peuvent s’appréhender uniquement sur une base locale. La pratique du NIMBY (Not In My BackYard) s’observe à présent à des échelles plus éloignées : un environnement urbain respectueux de l’Accord de Paris ne peut se penser uniquement à l’échelle des territoires urbains, au mépris de la délocalisation des activités polluantes et du report des émissions dans des territoires éloignés. Dans une approche nécessairement systémique et multiscalaire, les villes sont-elles correctement outillées pour mener à bien la transition écologique ? Pour Silvia Marcon, elles sont avant tout un hub d’innovation. La plupart des ressources y transitent et 78 % de la consommation mondiale d’énergie s’y fait : réussir la transition énergétique dans les villes, c’est gagner la principale bataille contre le changement climatique.

À ce titre, l’ambition du C40, un réseau international de villes qui regroupe 94 métropoles représentant 700 millions d’habitants et un quart du PIB mondial, est de faire participer à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris en mutualisant les informations et les bonnes pratiques. Pour ce faire, le réseau organise des ateliers sur des thématiques précises, de manière à établir des plans d’action sous la forme de déclarations publiques. L’un des résultats les plus connus est la « Deadline 2020 », feuille de route visant à atteindre les objectifs de l’accord de Paris, qui a été par ailleurs très massivement soutenue par les villes.

Mais la transition écologique ne se limite ni à l’échelle de l’État, ni à celle de la ville, estime Cédissia About, de la mairie de Paris. Elle se fera à toutes les échelles, du quartier au simple bâtiment. Les grandes villes ont alors un rôle stratégique car elles se situent à une échelle d’action intermédiaire qui permet de faire se coordonner différents niveaux d’interlocuteurs. Paris a ainsi mis en place quatre grands plans stratégiques : le plan climat, qui promet une neutralité carbone du territoire, avec un important défi en ce qui concerne les matériaux (les plus polluants étant le béton, l’acier, la céramique et le verre) ; le plan biodiversité ; le plan portant sur l’économie circulaire, avec un objectif zéro déchet en 2030, alors que le bâtiment est le premier émetteur, et un objectif de 70 % de valorisation du déchet dès 2020 ; la stratégie résilience, enfin, centrée en partie sur les opérations de végétalisation.

La mobilité électrique, un élément clé de la transition écologique des villes

« Les entreprises sont des acteurs urbains à part entière de cette lutte », selon Alain Guillaume (OMEXOM), pour qui la mobilité électrique urbaine jouera elle aussi un rôle prépondérant dans la lutte contre le changement climatique. Le constat est simple : le transport représente 25 % des émissions de CO2, dont 75 % pour le routier. Face à cela, les véhicules électriques pourraient constituer une solution durable et écologique. Leur développement est rapide en France, avec un parc passé de 1 à 2,5 millions de véhicules en 2 ans. Cette croissance sera encouragée dans les années à venir par les politiques publiques, en particulier urbaines : à Paris, la fin du diesel est prévue en 2024 et celle du thermique en 2030. Cette transition ne sera possible toutefois que par l’aménagement efficace d’infrastructures nouvelles, notamment avec le déploiement d’un réseau de bornes électriques de 350 KW permettant une charge rapide, et par des investissements importants dans l’appareil productif qui risque de jouer un rôle de goulot d’étranglement et de ne pas répondre à la demande, comme en Suède.

Il faut, enfin, préparer les usagers pour que la transition énergétique des transports se fasse dans de bonnes conditions, en particulier concernant le temps de recharge des véhicules : quelques minutes pour un moteur thermique qui peut, en outre, fonctionner sur plus de 1 000 km, contre 1h40 actuellement pour recharger une Renault Zoe qui n’a que 400 km d’autonomie. Il est important de penser l’aménagement des infrastructures de recharge dans les résidences et les lieux de travail, de proposer un bouquet de services pour les futures bornes publiques disséminées dans les villes et d’anticiper les situations de trafic (et donc de demande de recharge) exceptionnelles que constituent par exemple les vacances. Alternatives aux bornes, les routes à induction permettraient de recharger les batteries des voitures pendant les trajets. Cette technique permettrait de réduire la taille des batteries, ce qui améliorerait le bilan carbone des voitures électriques.

Pour atteindre de tels objectifs, la transition devra aussi être le résultat d’une concertation de l’ensemble des acteurs, parmi lesquels la ville sera le maillon privilégié.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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