Édito

Numérique et transition énergétique : en finir avec le paradoxe de l’Internet

Le paradoxe de l’internet est bien connu : les internautes s’exposent de plus en plus dangereusement sur les réseaux sociaux, installent des applications qui permettent de les suivre à la trace, de savoir ce qu’ils mangent, ce qu’ils achètent… tout en s’inquiétant de la surveillance de leurs données personnelles. Rien de nouveau sous le soleil sinon que ce paradoxe se renforce : plus l’exposition est forte avec la numérisation croissante de nos activités, plus l’inquiétude grandit quant à la collecte et aux usages de ces données. Dans le double contexte d’une crise sanitaire qui accélère l’emprise des données sur nos vies et nos organisations et d’une crise écologique qui exacerbe l’envie d’agir des individus, comment le résoudre ?

La microéconomie a depuis longtemps répondu à cette question à travers le thème des arbitrages intertemporels : le choix que nous faisons de surexposition sur les réseaux sociaux ou de consentement à partager des données qui rendent nos vies transparentes aux opérateurs de services numériques nous procure un gain immédiat, facile à obtenir (notoriété, services de mobilité…), alors que les risques associés sont perçus comme aléatoires et de moyen à long terme.

C’est a contrario ce qui pourrait expliquer les débats autour des compteurs communicants en France, et notamment de Linky : le gain immédiat n’est pas perçu tandis que les risques associés sont considérés comme importants et de court terme. Et pourtant l’observation de ce qui est en train de se passer sur d’autres marchés énergétiques européens – Pays-Bas, Allemagne, Suède, Norvège ou Royaume-Uni – est riche d’enseignements. Des startups se multiplient qui proposent des offres mêlant produits de la transition énergétique (panneaux solaires, chauffe-eau, pompe à chaleur, bornes de chargement de véhicules électriques) et services (température du domicile, maintenance, minimisation de la facture), qui donnent corps au concept d’ « energy-as-a-service ». Inutile de souligner qu’au travers de l’ensemble de ces appareils connectés en aval du compteur, ce sont des données personnelles sensibles – celles de l’intimité de notre domicile – qui sont collectées et agrégées en masse, qui plus est en temps réel.

Ces nouveaux modèles ne cessent pourtant de s’étendre : pourquoi ? Loin du « consomm’acteur » annoncé depuis des années, loin du technophile passionné par tous ces objets connectés qui se multiplient dans nos domiciles ou du citadin militant – profils très minoritaires comme le montrent les travaux de sociologie de l’énergie, le consommateur d’énergie aime la simplicité, son confort… et ne pas faire d’effort. Ces nouveaux acteurs qui interviennent sur le marché le lui permettent, mettant en sommeil le citoyen soucieux du respect de sa vie privée, par ailleurs protégée par un arsenal législatif solide (RGPD). Ce faisant, en poursuivant son intérêt particulier, notre consommateur citoyen, en digne héritier d’Adam Smith, contribue aussi à la flexibilité et à la stabilité des réseaux ainsi qu’à éviter de lourds investissements dans le redimensionnement des réseaux. Il devient ainsi un agent, certes passif, mais fondamental, de l’intérêt collectif. C’est une bonne nouvelle pour la transition énergétique car, en s’appuyant sur l’humain tel qu’il est et non pas sur un humain idéal qui n’existera jamais que par la coercition, elle sera d’autant plus rapide et efficace.


Pas le temps de lire ? Chaque semaine, La Fabrique de la Cité s’occupe de vous et vous propose une revue de liens.  Consulter la revue de lien #48 ici.

Pour rester informés de nos prochaines publications, ne manquez pas de  vous abonner à notre newsletter et de suivre nos comptes Twitter et LinkedIn.

Ces autres publications peuvent aussi vous intéresser :

La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

Recevez notre newsletter

Restez informé des études et de l’actualité de La Fabrique de la Cité en vous inscrivant à notre publication hebdomadaire.

Inscription validée ! Vous recevrez bientôt votre première newsletter.