Édito

Prendre de la distance : retour à Singapour

L’usage des données pour enrayer la propagation de l’épidémie est abondamment commenté avec un focus particulier sur les solutions développées par les Etats asiatiques qui ont rapidement « aplati » (Corée du Sud, Singapour) voire annulé la courbe épidémiologique (Taïwan). Or, comme nous l’avons déjà souligné, c’est bien le triptyque données/distance/tests qui a permis à ces pays de maîtriser l’épidémie sans pour autant la contenir. A cet égard, le lien entre les deux premiers éléments du triptyque, données et distanciation, mérite qu’on s’y arrête. Le sujet des données fascine certes mais il est désormais évident que, durant la période durant laquelle nous allons devoir vivre avec le virus, « distance » va s’imposer comme le maître-mot de nos comportements d’urbains.

L’action sur la distanciation physique repose elle-même sur trois leviers : la discipline personnelle, l’action sur l’espace public (élargissement de celui-ci, marquages au sol…) et l’utilisation des données. Sur ce dernier point, il n’est pas inutile de se pencher sur ce que fait non tant l’État singapourien que la ville de Singapour : l’une des grandes forces de Singapour tient en effet à sa capacité à agir tantôt sur le régalien de manière très centralisée tantôt avec le pragmatisme et l’efficacité que requiert la fourniture de services urbains. Une fois encore, Singapour se signale par des initiatives remarquables et inspirantes.

La première d’entre elles, Space Out, est une cartographie en temps réel de la fréquentation des centres commerciaux, des supermarchés et des bureaux de poste, développée par la puissante agence du développement urbain, Urban Redevelopment Authority (URA), en lien avec les opérateurs de ces endroits ouverts au public. Les cartes montrent, en temps réel, le niveau de fréquentation de ces endroits ; en cliquant sur chacun, un planning quotidien régulièrement mis à jour permet de voir, heure par heure, le niveau de fréquentation pendant la semaine passée. La seconde, Safe Distance @ Parks, repose sur le même principe en présentant une cartographie en temps réel de la fréquentation des parcs publics, développée par l’agence des espaces verts NParks, sur la base de données collectées directement par l’agence. On rappellera que 47% de la surface de la cité-État est composée d’espaces verts.

Une fois encore, l’approche singapourienne se signale par sa capacité à créer des alliances efficaces, au service à la fois de la santé et de l’économie. Certes, l’existence de puissantes agences publiques facilite ces démarches multi-acteurs mais, même à Singapour, les acteurs de la cité ont des agendas et des cultures propres : même à Singapour, l’alignement des positions passe par la négociation. Par ailleurs, en mettant la donnée au service des citoyens-consommateurs, elle contribue à créer de la confiance. C’est là un point crucial, notamment pour la période pendant laquelle nous allons devoir coexister avec le virus, dans les phases de non-confinement ou de confinement partiel. Face à l’incertitude sur la date de sortie de cette crise, la confiance est le socle fondamental qui va permettre la reprise des relations sociales, dans un contexte où chacun peut représenter un danger pour l’autre, la reprise de l’activité économique et la continuité de la vie démocratique à un moment où les gouvernements sont amenés à intervenir massivement, sur les plans économique, juridique et social, y compris de manière très intrusive, dans nos vies quotidiennes.

Pour en savoir plus : voir nos travaux sur Singapour et sur l’espace public.

Un grand merci à Fabien Clavier, urbaniste et chercheur, attaché au Future Cities Laboratoryde l’ETH Zurich à Singapour, pour nous avoir signalé cette actualité singapourienne.

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