Édito

Rééquilibrage

La première édition des Rencontres des villes moyennes que La Fabrique de la Cité a organisée en novembre 2020 a montré que de nombreux Français étaient prêts à aller vivre dans une ville moyenne… mais aussi que le passage du rêve à la réalité d’un déménagement restait dicté par l’emploi. Or un rapport de l’Institut Montaigne de mars 2021 pointe du doigt le développement profondément déséquilibré du territoire français : « les quinze plus grandes métropoles concentrent 81 % de la croissance économique alors qu’elles ne représentent que 30 % de la population française. Les ‘territoires épars’, c’est-à-dire les territoires situés en dehors des grandes métropoles, représentent quant à eux 70 % de la population de notre pays et connaissent une croissance économique ainsi qu’un niveau de vie en stagnation voire en déclin. » Comme l’a récemment montré l’INSEE, la création d’emplois s’est concentrée entre 2008 et 2017 dans seulement dix zones d’emploi très dynamiques (Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille, Montpellier, Aix-en-Provence, Rennes et Saclay), toutes métropolitaines, tandis que, dans le même temps, deux tiers des zones perdaient des emplois, essentiellement dans les villes petites et moyennes. Toutefois, certaines d’entre elles se sont montrées particulièrement dynamiques, à l’instar de La Teste-de-Buch, Libourne, Lamballe, Pornic, Brignoles, Draguignan, Bayonne, Manosque ou encore La Roche-sur-Yon, confirmant la tendance à la littoralisation du territoire français sur ses façades atlantique et méditerranéenne. Ce déséquilibre, l’un des plus accentués de l’OCDE, se retrouve dans d’autres pays, comme aux États-Unis où l’on observe une concentration de la croissance de l’emploi dans 95 métropoles (+17% entre 2010 et 2018), dont New York, Chicago, San Francisco, et Seattle (+25%), essentiellement dans le domaine de l’innovation et de la tech.

Alors que l’enjeu de l’emploi et du redémarrage de l’économie va devenir central dans les prochains mois, comment faire se rencontrer le désir d’habiter dans une ville moyenne et une géographie de l’emploi dont on ne peut que constater l’inertie ? L’essor du télétravail permettra-t-il de creuser une brèche susceptible de dynamiser l’emploi local lié à l’économie présentielle ? Le plan de relance soutiendra-t-il suffisamment les tissus économiques des villes moyennes ? Nos travaux rencontrent ceux de l’Institut Montaigne pour soutenir que s’en remettre à une dynamique spontanée, tout comme miser sur un soutien au tissu économique sans l’adapter aux disparités locales, sera insuffisant pour inverser la tendance.  Il s’agit bien de penser un nouveau modèle d’articulation fine entre aménagement du territoire à plusieurs échelles et développement économique pour créer des systèmes économiques locaux vivants, en réseaux et résilients.

Plusieurs pistes d’action ont été identifiées : le déploiement du haut débit, condition sine qua non pour le télétravail et pour se brancher sur les réseaux économiques mondiaux ; le renforcement des réseaux d’infrastructures de transport, car un territoire se porte en effet d’autant mieux qu’il n’enferme pas mais qu’il donne accès à un ailleurs ; l’accroissement de l’offre de formation et de l’enseignement supérieur pour créer un écosystème favorable à l’innovation sur le territoire, capable de retenir les jeunes pour leurs études et leur premier emploi ; le développement d’une logique de coopération entre les différents acteurs économiques locaux comme entre acteurs publics et privés pour renforcer la logique de réseaux, qui a fait le succès du modèle allemand reposant sur un fort ancrage local. Plusieurs initiatives vont déjà dans ce sens, comme le rappelle le PDG de Terega, Dominique Mockly, en évoquant l’initiative « Territoires d’industrie » de Lacq-Pau-Tarbes : « On voit bien toutes les possibilités qui s’ouvrent en mettant ensemble des industriels […] avec l’émergence de projets très innovants dans de nombreux domaines, surtout dans cette période où l’on doit se réinventer. C’est le cas, par exemple, de l’aéronautique et du défi que les industriels doivent relever : fabriquer des avions moins polluants. On voit à quel point, en fédérant des énergies locales, on peut dégager des moyens et des capacités très importants. »

Il est aujourd’hui nécessaire de repenser une organisation territoriale plus résiliente et qui puisse répondre à la fois aux défis environnementaux et au risque que représente l’accroissement des inégalités socio-spatiales. Le contexte est favorable. Les ferments du changement sont là, avec des maires et des acteurs économiques locaux engagés dans leurs territoires et une population en quête d’un nouveau type de qualité de vie. Les entreprises et les entrepreneurs qui envisageraient de s’implanter dans des villes moyennes peuvent être rassurés, expliquait Emmanuel Rivière, directeur général de la section Public chez Kantar lors de notre première édition des Rencontres des villes moyennes : « ils n’auront pas de mal à y attirer des talents. S’il y a des emplois, il y a de nombreuses bonnes raisons de venir y habiter et d’y emmener sa famille. »

→ Et sur le même sujet : notre note « Refaire partie de la carte : des villes moyennes entre rebond et stabilisation ».

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La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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