Refaire partie de la carte : des villes moyennes entre rebond et stabilisation
Face aux multiples crises que nous traversons aujourd’hui, crise sanitaire bien sûr, mais aussi crise sociale, économique et climatique, la question territoriale est devenue centrale pour trois raisons principales. La première, évidente, est la soudaine réduction contrainte de notre horizon géographique qui a permis de mettre en lumière les atouts et les faiblesses des lieux du quotidien et encore plus étroitement des lieux où l’on habite. La deuxième est celle du défi de l’efficacité de l’action publique, qu’il faudra relever pour réussir à surmonter la crise sanitaire sans obérer nos chances de surmonter la crise climatique. La troisième, enfin, est celle d’un changement de paradigme qui ne consiste pas tant à abandonner le modèle métropolitain qu’à lui adjoindre un autre modèle, celui des villes petites et moyennes, dont l’étroite articulation et la valorisation commune peut permettre d’aller au-devant des différences d’aspirations des Français.
La 1ère édition des Rencontres des villes moyennes a mis en lumière le dynamisme des villes moyennes, leur force d’innovation et de proposition pour faire face aux enjeux auxquels nos sociétés sont confrontées. Donnant la parole aux habitants grâce à un sondage commandé aux instituts de sondage Kantar et Potloc, elle a révélé l’appétence des Français pour ces espaces charnières qu’ils perçoivent bien plus à travers ce qu’ils offrent que ce dont ils sont privés. Ce tableau très favorable aux villes moyennes est toutefois à nuancer : il est également apparu une tension réelle concernant la capacité à agir des villes moyennes pour stabiliser les dynamiques au cœur de leur développement territorial.
Les villes moyennes : des territoires qui reviennent sur la carte
Carte médiatique
« De la même manière que c’est une crise, celle des gilets jaunes, qui a remis dans le débat et sur la carte la France périphérique, c’est une autre crise, la crise sanitaire, qui remet les villes moyennes à l’honneur ». En ouvrant par ces mots la 1ère édition des Rencontres des villes moyennes, Cécile Maisonneuve souligne l’actualité de la thématique des villes moyennes et l’intérêt porté à ces territoires qui, s’ils lui préexistaient [1], se sont accrus à la suite de la crise sanitaire. 11% des habitants de Paris intra-muros ont quitté la capitale lors du premier confinement en mars 2020, donnant soudainement une forme concrète à un signal faible dont la presse se faisait déjà le relais depuis plusieurs mois : un intérêt pour les villes petites et moyennes. Plusieurs titres de presse ont relevé que les classements de villes voyaient apparaître des villes moyennes à côté des métropoles régionales telles que Nantes, Rennes ou Bordeaux. Ainsi Bayonne, La Rochelle, Angers, Le Mans pour les villes moyennes, Vitré ou Figeac pour les petites villes, ont réussi à devancer Paris, Lille ou Marseille dans certains classements [2].
Même si aujourd’hui, il se confirme qu’il n’y a pas d’exil métropolitain de grande ampleur car, comme le souligne François Moerlen, président délégué de la FNAIM, « il existe une dichotomie entre le désir de maison dans une ville moyenne et la réalité du terrain en matière d’emploi », l’intérêt médiatique pour les villes moyennes ne faiblit pas. L’inflexion dans le traitement de la thématique est toutefois notable. Avant la crise sanitaire, les discours décrivant des villes moyennes comme des territoires d’opportunités occupaient le paysage médiatique à part égale avec ceux dépeignant des villes moyennes allant de plus en plus mal, sinon abandonnées, avec en toile de fond la déprise commerciale [3]. Aujourd’hui, l’écho reçu dans la presse par le sondage sur les Français et les villes moyennes commandité par La Fabrique de la Cité auprès des instituts de sondage Kantar et Potloc montre que l’intérêt médiatique porte davantage sur la capacité de rebond de ces villes, reflétant en cela l’intérêt porté par la puissance publique comme par les habitants.
Carte de l’action publique
Les villes moyennes, souvent aussi appelées à l’échelle internationale « villes intermédiaires », ont servi pendant les Trente Glorieuses de point d’appui aux politiques d’aménagement et sont de venues dans les années 1970 une catégorie d’action à part entière. Le changement de paradigme de l’action publique, qui acte une concurrence accrue des territoires à l’échelle européenne et internationale dans les années 1980, conduit à marginaliser les villes moyennes et à favoriser la strate supérieure de l’armature urbaine, les espaces métropolisés en premier lieu, et parfois aussi, les réseaux de villes qui parviennent ainsi à atteindre un seuil de taille critique. Hélène Peskine, secrétaire générale du Plan Urbanisme Construction et Aménagement, le souligne en effet : « depuis une dizaine d’années les différentes lois de décentralisation ont plutôt décrit ce que devait ou pouvait être une métropole, à savoir jouer le rôle de locomotive territoriale, de commandeur économique pour l’ensemble du territoire, et par défaut ne l’ont pas fait pour les villes moyennes » au point que les villes moyennes ont longtemps pu être définies uniquement comme « n’étant pas des métropoles ».
Toutefois, depuis les années 2000, on assiste aussi à un renouveau des programmes spécifiquement destinés aux villes moyennes, dont le programme « Action cœur de ville », lancé en décembre 2017, est le dernier avatar. Mis en place par l’Agence nationale de la cohésion du territoire et piloté par le préfet Rollon Michel-Blaisiot, « Action cœur de ville » a indéniablement remis les villes moyennes sur la carte de l’action publique territoriale : l’État accompagne ainsi 222 villes moyennes. Ce programme a pour but la revitalisation urbaine de leurs centres-villes pour lutter contre le phénomène très puissant de périurbanisation d’un côté et de déprise de l’autre et ainsi permettre à ces villes d’accueillir à nouveau des habitants et des fonctions de centralité telles que des commerces, des services et des emplois.
Toutefois, les modalités de mise en œuvre du programme peuvent parfois susciter certaines critiques en raison d’une action jugée trop descendante, pouvant donner l’impression de « venir au chevet des villes moyennes », selon l’expression de Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières. Le programme peut également être jugé insuffisant. Certains en appellent ainsi à une vision renouvelée de l’aménagement du territoire, qui devrait permettre aux villes moyennes non seulement de se stabiliser mais de redevenir une armature essentielle au territoire national, au même titre que l’armature des métropoles. Le maire de Neuilly-sur-Seine Jean-Christophe Fromantin fédère ainsi plus de 167 élus locaux et régionaux au sein du Collectif Villes moyennes, qu’il a créé en 2020 pour œuvrer en faveur du rééquilibrage du territoire vers les villes dans lesquelles les Français aspirent à vivre. « Il y a un vrai sujet dans la façon dont l’État considère la géographie. […] Il a structuré son action autour des métropoles avec l’idée qu’au-delà des métropoles, il n’y avait pas beaucoup d’intérêt […] et que le monde allait continuer à se concentrer. […] Mais toutes les études montrent l’inverse : on va passer d’un monde concentré à un monde distribué », affirme-t-il, avant d’ajouter « on ne peut que constater à quel point le manque de vision de l’État sur les villes moyennes et leur armature nuit à la croissance et au développement et contribue à renforcer la dynamique métropolitaine de manière contre-productive ».
Ce que ces différentes positions montrent, c’est qu’en France, même si la question de la stratégie à adopter est discutée, il existe un consensus sur la nécessité d’accompagner spécifiquement ces territoires et que la « ville moyenne » s’est aujourd’hui imposée comme catégorie de pensée à part entière, tout comme la petite ville, les espaces ruraux ou la métropole.
Carte mentale
Les villes moyennes font partie de la carte mentale des Français depuis longtemps. Le chercheur Nicolas Rio affirme qu’elles sont « associées à l’enfance, aux vacances ou aux photos de Depardon. […] On a tous en nous un peu de villes moyennes… [4]». La nouveauté que fait apparaître le sondage Kantar/Potloc, c’est le fait d’assumer que les villes moyennes peuvent être une option désirable, sinon plus désirable que les grandes villes et les métropoles pour de nombreux Français, et non un choix par défaut. Emmanuel Rivière explique en effet que « les gens qui habitent les zones les plus urbanisées ont plutôt tendance à vouloir rejoindre la ruralité : il y a un plébiscite pour habiter la campagne, en zone rurale, une sorte d’appel de la nature, d’appel de la forêt, avec une attractivité croissante à mesure que l’on descend dans une échelle de la densité urbaine, avec 40% des gens qui souhaitent habiter en ville moyenne ».
Cette carte mentale ne se réduit plus à cette double géographie, l’une liée aux vacances, souvent nourrie d’images d’Épinal figeant les villes moyennes dans l’idéal type d’une forme urbaine fondatrice de l’identité française, l’autre servant de repoussoir avec ses centres-villes dévitalisés et sa vacance commerciale. Elle s’enrichit en ancrant les villes moyennes dans la normalité (on s’imagine y vivre et non plus seulement y passer des vacances) et dans le temps long (on aimerait y construire une partie de sa vie et non plus réussir à s’en arracher).
Si les villes moyennes font partie de la carte mentale des Français, il n’en demeure pas moins qu’un certain flou leur reste attaché, ce qu’exprime très bien l’écrivain Aurélien Bellanger quand il parle de sa ville natale, Laval, qu’il estime « emblématique des villes moyennes », à savoir une ville « qu’on ne sait pas bien poser sur la carte et dont le nombre d’habitants n’est pas connu, mais qu’on n’imagine pas très élevé ». Il apparaît que 30% des habitants de villes moyennes considèrent habiter dans une petite ville (Fig.1), taux qui s’élève à 38% pour les répondants de Cahors, tandis que 34% d’entre ces derniers considèrent même habiter à la campagne. Deux facteurs d’explication sont possibles. Le premier est ce qu’Emmanuel Rivière explique : « le qualificatif appliqué à la perception du lieu de vie correspond à l’aspiration maximale : se rapprocher de la campagne ». Le second est la façon très englobante dont les habitants abordent leur lieu de vie : ils partent de leur lieu d’habitation mais y incluent l’ensemble de leur bassin de vie.
Carte artistique
À la question de savoir si l’engouement de nombreux artistes pour le territoire ne relevait pas d’un effet de mode significatif de notre époque, Raphaële Bertho, maître de conférences à l’Université de Tours, répond : « les artistes, et les photographes en particulier, saisissent l’air du temps. À une époque où sont remis en question la consommation et plus globalement les modes de vie issus des Trente Glorieuses et où les problématiques liées à l’écologie et à l’identité nationale deviennent de plus en plus pressantes, les artistes se sont intéressés, dans la littérature, dans le cinéma et dans la photographie, au banal. Depuis les années 1980 et encore plus depuis les années 2000, la question du territoire devient centrale : à quoi ressemble le territoire ? Qu’est la France dans la mondialisation et au milieu de ses flux ? Qu’est-ce que notre terre et quel est notre rapport à la terre au cœur d’une crise écologique et climatique ? Face à ces questions, les artistes reviennent au terrain. » On peut citer à cet égard le travail de Christophe Bourguedieu sur Clermont-Ferrand, intitulé « La montagne », qui exprime à travers des clichés dont la beauté délaisse le spectaculaire une certaine idée du lien noué entre les habitants, leur ville et leur environnement saisi dans sa quotidienneté.
Saisir l’air du temps, c’est aussi refléter les conditions de vie des artistes et celles de la réception des œuvres aujourd’hui. Aurélien Bellanger et Raphaële Bertho partagent un même constat : si les artistes prennent comme thème les villes moyennes, c’est également parce qu’ils y vivent et qu’ils y trouvent leur public, dessinant par là une géographie de l’art qui se complexifie en faisant exister d’autres espaces de création et de réception que la seule capitale. Prenant l’exemple d’Emmanuel Carrère qui, à Calais, est allé à la rencontre des migrants de la « jungle » pour un reportage pour la Revue XXI [5], mais aussi des lecteurs de Télérama, Aurélien Bellanger montre que les écrivains reconnaissent que leurs plus gros lecteurs se trouvent souvent dans les villes moyennes et qu’ils les traitent par conséquence avec une déférence certaine. Toutefois l’intérêt pour cet espace géographique est également dicté par des raisons économiques : de nombreux artistes trouvent dans les villes moyennes des lieux de vie plus abordables voire une source de revenus. Les résidences d’artistes, par exemple, sont devenues des vecteurs importants du soutien à la création photographique qui ont pour conséquence la production d’un corpus d’images ancrées dans les territoires.
Les différentes cartes des villes moyennes qui se dessinent prouvent que leur actualité dépasse très largement la visibilité que leur a donné la crise sanitaire. Elles font toutefois aussi apparaître que dessin n’est pas encore nécessairement synonyme de dessein : les villes moyennes restent, encore aujourd’hui, ce que le géographe Roger Brunet a qualifié « d’objets réels non identifiés [6] ». Un consensus se dessine sur les potentiels de ces villes, mais la réflexion continue d’achopper sur la diversité de ces territoires et, peut-être plus encore, sur une incertitude voire une incrédulité face à la capacité des villes moyennes à constituer une armature urbaine solide sur le long terme.
Les villes moyennes, un espace charnière
Des villes du « et » plutôt que du « ni »
Pourquoi cet intérêt et cet engouement pour des territoires qui, voici quelques années, auraient été réduits à « la province » ? Le sondage Kantar/Potloc fait apparaître plusieurs caractéristiques majeures qui peuvent être condensées dans la formule suivante : espace charnière, les villes moyennes sont le lien du « et » plutôt que du « ni ». « Leur caractère intermédiaire ne fait pas qu’elles n’auraient ni les qualités de la campagne ni les qualités des grandes villes », explique Emmanuel Rivière, directeur général de la section Public chez Kantar ; « les villes moyennes font jeu égal avec les grandes villes sur la présence de commerces, le caractère innovant et la présence de services publics. Elles n’ont pas le même type d’attrait que la ruralité ».
L’authenticité, la capacité d’adaptation au changement climatique, la qualité et le coût de la vie sont des qualités majoritairement associées à la campagne et aux petites villes, considérées comme faisant défaut aux grandes villes. Celles-ci sont en revanche reconnues comme des pôles d’emploi majeurs. Les villes moyennes présentent un profil très équilibré, bénéficiant de toutes les qualités dans des proportions moyennes (Fig.2).
Les villes moyennes sont donc identifiées par les Français comme des lieux dynamiques, attractifs, offrant un bon équilibre entre fonctions de centralité, mixité sociale et cadre de vie agréable et proche de la nature (Fig.3). Alors qu’à la suite de la crise sanitaire, un Français sur cinq déclare vouloir changer de lieu d’habitation, chiffre qui s’élève à un sur trois en région parisienne, les villes moyennes peuvent-elles se présenter comme une alternative plausible ?
Les villes moyennes, futures grandes gagnantes d’une possible recomposition territoriale ?
Le sondage Kantar/Potloc montre que plus l’agglomération est petite, plus les Français souhaiteraient y vivre, avec des zones rurales très attractives (56%) et une région parisienne clairement répulsive (14%) (Fig.4). Les villes moyennes parviennent pourtant à convaincre 40% de la population française. Si la ville moyenne attire, c’est précisément pour son caractère intermédiaire et de trait d’union : les habitants des plus petites villes et des zones rurales, quand ils aimeraient rejoindre une ville moyenne, plébiscitent son offre de services et d’emplois et l’accessibilité qu’elle offre, tandis que les habitants des grandes villes aimeraient y satisfaire leur envie d’un espace de vie plus calme, plus proche de la nature et offrant des logements plus spacieux pour un coût plus abordable (Fig.5).
Toutefois, on observe ici que les représentations attachées à la ville moyenne s’attachent moins à la définir selon un critère de taille que selon une certaine fonctionnalité, ce qui pousse Marc-Olivier Padis, directeur des études du think tank Terra Nova, à affirmer que « la ville moyenne, c’est une ville à taille humaine : elle présente les avantages urbains sans le stress de la grande ville. Toulouse, qui est une métropole, peut ainsi être considérée comme une ville moyenne en raison de sa qualité de vie : c’est une ville où on a envie d’élever ses enfants, où l’on peut travailler et où on aimerait passer sa retraite ».
Nous avons fait le choix de distinguer dans ce sondage la ville-centre de ses périphéries. Dans tous les types de villes, quand le choix le leur est donné, les Français préfèrent majoritairement s’installer dans la périphérie, avec ses maisons et jardins, plutôt qu’au centre, avec ses logements plus exigus et plus chers (Fig. 6). Marc-Olivier Padis souligne ainsi que « la ville moyenne est moins vue comme un lieu d’habitation que comme un espace de services ». Cette dynamique soulève toutefois un enjeu territorial fort, celui de réussir à « maîtriser la mobilité quotidienne et la place de la voiture dans toutes ces circulations car la voiture reste prépondérante dans ces modes de vie ». 80% des habitants de villes moyennes (78% à l’échelle nationale) déclarent en effet recourir à leur voiture pour leurs déplacements quotidiens, seuls 12% (18% à l’échelle nationale) déclarent utiliser les transports en commun au quotidien et 48% marchent (41% à l’échelle nationale) (Fig.7).
Ce sondage montre donc l’ampleur du défi à relever : d’un côté, les dynamiques territoriales observables vont à l’encontre des politiques de la lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; de l’autre, la crise des gilets jaunes l’a montré, la ville bas-carbone ne peut être un horizon atteignable que si elle parvient à remporter l’adhésion de ses habitants et si elle respecte le principe d’équité sociale et territoriale. Cela signifie très concrètement qu’elle ne peut pas se faire en privant les plus vulnérables de leur capacité à agir au quotidien et en limitant leur accès au logement et à la mobilité. Or, comme le rappelle Marc-Olivier Padis, le logement est un secteur à évolution lente. La conjonction d’une mobilité résidentielle faible et d’un parc immobilier se renouvelant au rythme d’1% par an seulement conduit à ce que 80% du parc de 2041 est déjà construit. Il est donc crucial d’élaborer une stratégie bas-carbone qui prenne en considération le fait urbain périphérique et non qui le nie pour ne proposer que des mesures concernant les villes centres dont l’impact médiatique est, il est vrai, plus fort.
L’emploi, facteur clé
Le désir de changement est une chose, le passage à l’action en est une autre : l’emploi apparaît étonnamment peu présent quand on interroge les Français sur les facteurs déterminant leur volonté de changer de lieu de vie (seulement 5%) ou leur satisfaction vis-à-vis de celui-ci, contrairement à la possibilité de se déplacer à pied ou à vélo, à la proximité avec la nature, à la qualité de vie ou au sentiment de sécurité (Fig.7). Il devient toutefois central au moment de prendre la décision de déménager. 38% des sondés ont ainsi déclaré avoir rejoint une ville moyenne pour le travail, seulement 20% pour se rapprocher de la nature. De la même manière, 41% des sondés ont répondu avoir quitté une ville moyenne pour aller habiter dans une ville d’une autre taille pour des raisons liées à l’emploi, et seulement 22% pour se rapprocher de la nature. Ceux qui ont quitté une ville moyenne et ne souhaitent pas y retourner avancent comme argument le fait qu’elles ne sont pas assez calmes (73%) ou pas assez proches de la nature (53%).
Ces résultats appellent trois réflexions. La première est que la dynamique d’attractivité des villes moyennes est sélective : elle profite à des villes au bassin d’emploi dynamique ou qui se situent dans l’orbite de l’un d’entre eux. François Moerlen souligne ainsi que « des études de la FNAIM montrent une augmentation des prix immobiliers dans les villes moyennes ces derniers temps, notamment celles dans l’aire de déplacement de Paris ». On peut déménager en grande périphérie tout en conservant son travail dans la capitale au prix d’une mobilité contrainte plus importante. L’enjeu est donc bien celui du renforcement des synergies entre les métropoles, les villes moyennes et les petites villes qui les entourent, selon un maillage dynamique. La deuxième observation est que cette importance accordée à l’emploi à des moments charnières de la vie doit naturellement inciter les villes moyennes à développer l’emploi local, ce qu’elles s’efforcent déjà de faire, mais surtout à attirer et retenir les très jeunes actifs et les étudiants. François Moerlen note en effet « qu’une fois installé dans un emploi, on ne repart pas si facilement ». Cette absence de mouvement a tendance à profiter aux villes étudiantes. De ces villes décrites en Allemagne comme des « villes éponges », Andreas Wolter, maire adjoint en charge des transports à Cologne, explique « qu’elles attirent de nombreux jeunes qui parviennent aussi à s’y projeter dans le futur. Dans leur cas, ce qui distingue les villes moyennes des grandes villes devient mouvant. Prenons par exemple des villes comme Erfurt, Fribourg-en-Brisgau ou Heidelberg. Ce sont en fait de grandes petites villes. Elles ont entre 150 et 250 000 habitants et offrent pratiquement tout ce qu’offrent les grandes villes ». Dernière observation, les entreprises et les entrepreneurs qui envisageraient de s’implanter dans des villes moyennes peuvent être rassurés : « ils n’auront pas de mal à y attirer des talents », explique Emmanuel Rivière, « car, s’il y a des emplois, il y a de nombreuses bonnes raisons de venir y habiter et d’y emmener sa famille. »
Une image à stabiliser
Une image de dynamisme
Tout indique que les villes moyennes bénéficient aujourd’hui d’une image plus positive, bien éloignée de celle de prison dont on chercherait à s’échapper à la première occasion. Non seulement les Français associent la ville moyenne à des concepts positifs (offre de services et de commerces, qualité de vie, dynamisme, etc.), mais surtout ils considèrent que cette bonne image est partagée de tous : 78% des répondants déclarent penser que les Français en ont une image positive. Ces villes ne sont donc plus considérées comme porteuses d’un stigmate honteux. Cette image est nourrie d’un sentiment d’inversion de tendance pour les villes moyennes. Les sondés sont seulement 29% à les juger moins dynamiques qu’il y a dix ans et sont 56% à les trouver plus attractives. À Charleville-Mézières, ce sont même deux tiers des habitants qui estiment que leur territoire est plus dynamique qu’il y a dix ans.
Pour mettre en perspective ces très bons résultats, il faut toutefois noter que les Français se révèlent majoritairement satisfaits (à 89%) du lieu où ils vivent et y sont attachés (à 80%), toutes villes confondues, même si les habitants de la campagne sont les moins portés à changer de territoire car ils ne s’y sentent non pas bien mais très bien (47% de très satisfaits) (Fig.9). Les sondés estiment également avoir choisi de vivre où ils habitent (75%). S’ils se sentent majoritairement optimistes quand ils pensent à l’avenir de leur lieu de vie (à 66%), ce taux augmente toutefois à mesure que décroît la taille de la ville (64% pour les grandes villes, 65% pour les villes moyennes et 68% pour les petites villes et l’espace rural). Des résultats qui ont surpris Emmanuel Rivière : « on ne trouve pas beaucoup d’enquête dans lesquelles les gens nous disent que cela va mieux qu’avant […]. C’est une vraie question dans ce pays où on désespère de recréer de la confiance, de l’envie et de l’optimisme collectif. Ce résultat nous incite à nous interroger sur ce qu’il est nécessaire de mettre en avant, notamment ces territoires à propos desquels les gens disent spontanément ‘oui’. Il y a là une trajectoire positive qui nous permet d’y croire ».
Des représentations contradictoires
« Si on devait chercher de l’authentique aujourd’hui dans les villes moyennes, c’est moins dans la rue de la République ou sur la place des halles que dans les polarités périphériques ». Ce qu’explique Philippe Dugot, professeur de géographie à l’Université Toulouse Jean Jaurès, à propos du commerce peut tout à fait être extrapolé pour saisir la tension qui existe entre deux images principales de la ville moyenne, qu’Aurélien Bellanger définit ainsi : « la ville moyenne est un objet géographique assez pur qui apparaît sur tous les manuels de géographie de notre enfance. C’est cette entité urbaine qui compte deux immeubles en verre, une vague usine, un quartier historique et une cathédrale, quelques objets posés sur le paysage ». D’un côté, on trouve une image d’une ville moyenne coquette, au centre-ville doté d’un patrimoine bâti riche sans être imposant et aux rues piétonnes animées par leurs petits commerçants, leurs terrasses et leur marché de fin de semaine, qui offrent souvent des échappées sur un élément naturel remarquable comme un fleuve, donnant une impression de proximité avec la nature. Cette image, souvent dédaigneusement qualifiée d’Épinal en ce qu’elle serait un peu kistch et trop propre, constitue toutefois le socle des représentations positives liées aux villes moyennes et auxquelles on relie l’idée de qualité de vie. Les villes touristiques ne s’y trompent pas et sont très soucieuses de conserver cette image. On trouve de l’autre côté un autre imaginaire lié à la ville moyenne, souvent désigné par le terme aussi péjoratif de « province », où cette fois la « taille humaine » prisée dans l’imaginaire précédent devient synonyme de petit et de médiocre voire d’étroitesse d’esprit et d’horizon borné. Là où le premier imaginaire insiste sur la compacité de la ville moyenne, celui-ci insiste sur la nappe urbaine indifférenciée du pavillonnaire, sur les rideaux baissés des petits commerces de centre-ville dont l’enseigne datant de l’époque faste des années 1950 est définitivement éteinte, sur les espaces publics abandonnés au tout-voiture et à la statuaire un peu ridicule. Cet imaginaire s’attache à cette « France moche [7] », selon l’expression de Xavier de Jarcy et Vincent Rémy, ces entrées de ville défigurées par des centres commerciaux à ciel ouvert qui accumulent, telles d’immenses boîtes à chaussures bariolées, toujours les mêmes enseignes standardisées avec leurs parkings et un vague arrêt de bus.
Cette tension, qui se trouve au cœur des représentations attachées aux villes moyennes, est nourrie de la façon dont l’art aborde cet objet. Aurélien Bellanger rappelle que la ville moyenne est depuis longtemps un objet littéraire : elle est en effet « devenue une métonymie de cette littérature un peu grise d’une France devenue un pays moyen ». La littérature comme le cinéma se saisissent depuis le début du 20e siècle de la ville moyenne pour en faire le décor du récit d’un drame bourgeois entre notables et infidélités ; pensons par exemple aux polars de Simenon ou au cinéma de Chabrol. Houellebecq « a dit des horreurs amusantes » sur la ville moyenne dans son roman Extension du domaine de la lutte en prenant pour cadre Rouen… qui n’est pas une ville moyenne. Répondant aux deux images de la ville moyenne, deux grandes veines s’affrontent dans le roman contemporain F-français, selon Aurélien Bellanger, l’une de la bienveillance et du roman consolateur, l’autre de la cruauté. « La ville moyenne va-t-elle tomber dans la veine bienveillante ou cruelle ? Il vaut probablement mieux qu’elle tombe dans un bon roman cruel que dans un mauvais roman bienveillant ». Cette même tension se retrouve en photographie. Raphaële Bertho rappelle en effet que, dès le 19e siècle, la photographie a traité la ville moyenne en adoptant majoritairement un point de vue pittoresque et en choisissant de photographier le monument qui va être symbolique de ce qu’est le territoire national. Ces cartes postales, « réitération industrielle des vues sur la ville moyenne », va finir par en figer la représentation dans une « bulle pittoresque », explique Raphaële Bertho, notamment parce que les grands chantiers de l’aménagement du territoire de l’après-guerre évitent la plupart du temps ces villes moyennes. Aujourd’hui encore, la vue de carte postale reste un incontournable : que ce soit en raison même des conditions de production de la photographie (le concours qui met en avant l’exceptionnel) ou en raison de ce qu’elle cherche à exprimer (prouver, à travers les selfies pris devant les monuments, que l’on a soi-même « été là »). Depuis la fin du 20e siècle, un nouveau point de vue est développé en parallèle, qui arrête de chercher le pittoresque ou l’exceptionnel pour s’attacher à comprendre les émotions et le vécu des habitants des villes moyennes. Le travail d’Alexandra Pouzet est à cet égard représentatif de cette nouvelle génération de photographes : dans sa série intitulée « La carte du tendre », la photographe part à la rencontre des habitants pour saisir les contours sensibles et psychologiques du territoire. Elle met en regard leurs témoignages avec des lieux que les habitants ont eux-mêmes choisis et dans lesquels ils acceptent de se faire photographier. Les villes d’Angoulême, de La Rochelle, de Niort, de Poitiers, de Saint-Pierre-des-Corps et de Tours sont ainsi révélées à travers des portraits d’habitants et de lieux singuliers, souvent situés en périphérie.
L’enjeu : créer une marque et changer le regard de l’intérieur
L’enjeu est aujourd’hui double pour les villes moyennes face au faisceau de représentations dont elles sont l’objet. Il s’agit d’abord pour elles de sortir de l’image imposée de l’extérieur pour prendre en main leur récit.Tous les acteurs se rejoignent sur cette nécessité, pointée du doigt par Philippe Dugot en matière commerciale : l’attractivité repose aussi sur la capacité à maîtriser le récit du territoire et de faire des spécificités locales une marque. La ville de Lens l’a parfaitement compris dans son effort de requalification de son patrimoine industriel et naturel, en réussissant à se lier à l’une des plus belles marques au monde, celle du Louvre. La ville d’Angoulême a aussi saisi cette opportunité en développant son festival de la BD. Ces deux exemples montrent que les bénéfices sont multiples : l’attractivité touristique de ces villes s’en trouve renforcée, et l’on s’arrête désormais à Lens pour aller visiter le Louvre Lens ou le patrimoine minier. Le défi consiste aujourd’hui, pour la ville, à capter ce flux en direction d’une offre de courts séjours plus diversifiés en relation directe avec les autres attractions à proximité comme la métropole de Lille ou la Belgique. La prise en main du récit par les villes permet de renforcer la conscience du territoire et de créer ou renforcer un sentiment de fierté chez les habitants. Le cas de Charleville-Mézières est à cet égard très intéressant : d’après le sondage Kantar/Potloc, ses habitants soulignent bien plus que la moyenne de la population française le dynamisme retrouvé de leur commune (60% pour 33% à l’échelle nationale) de même que la capacité d’écoute des élus locaux (58% pour 51% à l’échelle nationale). Enfin, les bénéfices se mesurent également en termes de développement économique : Lens, Charleville-Mézières et Angoulême ont en effet développé des filières se rapportant à ces marques de territoire. Charleville-Mézières, par exemple, a monté une formation d’échelle internationale pour marionnettistes dans le sillage de son statut de capitale mondiale de la marionnette.
Il s’agit donc pour les villes moyennes, et c’est le second enjeu, de réussir à transformer le regard qu’elles portent sur elles-mêmes depuis l’intérieur. Le projet d’Éric Tabuchi et de Nelly Monier est à cet égard très éclairant. Depuis 2017, ils ont réuni dans un Atlas des régions naturelles [8] 25 000 clichés de la France ordinaire, quotidienne, le plus souvent en périphérie, et toujours loin de la monumentalité des cartes postales. Adoptant une perspective géographique en partant des régions naturelles, ils montrent que le paysage est une empreinte, façonnée par une société et une culture et nous tendent ainsi un miroir. Ce projet a été rendu possible par un financement du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement d’Indre-et-Loire (CAUE 37) qui s’est notamment fixé comme mission de montrer aux élus qu’à côté du patrimoine pris au sens UNESCO, le territoire sur lequel ils travaillent a de nombreux autres potentiels à valoriser : « il faut leur apprendre à voir le territoire en montrant le véritable maillage territorial de ce qui constitue la ville moyenne », explique Raphaële Bertho. Si Éric Tabuchi montre ainsi les châteaux de la Loire, ce n’est qu’en arrière-plan ou en miniature dans un musée d’architecture en plein air.
La question de l’image et du récit est loin d’être secondaire. Les métropoles l’ont très bien compris et se sont saisies de ces outils pour attirer capitaux et talents, séduits par une promesse de qualité de vie, d’effervescence et d’innovation. Le récit et l’image des villes moyennes restent à stabiliser : elles ne manquent ni d’atouts à faire valoir ni de capacité d’écoute de la part des habitants et des investisseurs, mais plus certainement de confiance en elles-mêmes, ce qui les conduit encore trop souvent à se censurer. Or, comme le dit Raphaële Bertho, « la ville moyenne est plus un art de vivre qu’un déterminant géographique », à charge aux villes moyennes de donner pleinement corps à ce récit.
Ni de petites métropoles, ni de grosses petites villes : les villes moyennes en quête d’un modèle de développement
Retenir et attirer
L’enjeu d’attractivité est central pour les villes moyennes : la thématique de la déprise ou de la décroissance reste, sauf exception, absente des discours et des actions en France. L’Allemagne a au contraire pris acte de ce phénomène depuis longtemps, poussée sur cette voie par l’ampleur du phénomène, bien plus important qu’en France [9]. Michael van der Mühlen, ancien secrétaire d’État au Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, explique en effet que « ce qui provoque ce phénomène de déclin est bien trop important pour qu’on puisse tout simplement l’ignorer ou penser que toutes les villes petites et moyennes pourront à nouveau croître. Il est beaucoup plus intelligent et réaliste de considérer ce phénomène de déclin comme un processus de transformation. Cela signifie qu’il faut se poser les questions suivantes : comment peut-on aménager certaines villes, certaines communautés de façon suffisamment attractive pour qu’elles puissent, dans le futur, demeurer des environnements stables, même si elles continuent à perdre des habitants ? Comment peut-on guider un tel processus de transformation, au centre duquel se trouve la baisse du nombre d’habitants, de façon à ce que non seulement nous ne perdions pas en qualité de vie mais, au contraire, nous en gagnions une nouvelle ? ».
La stratégie déployée en France pour faire face au risque de déclin consiste à attirer et retenir les habitants et les capitaux. Pour cela, trois leviers d’action sont mobilisés. Le logement, tout d’abord ; facteur d’attractivité, il est un enjeu clé pour la revitalisation des villes centres et pour remplir les objectifs de sobriété foncière : la vétusté et l’inadaptation de l’offre aux besoins locaux conduisent en effet à mettre en concurrence la ville-centre avec sa périphérie. Hélène Peskine le montre bien : « toute une génération est partie des centres anciens car les logements n’y sont pas confortables. Les ménages qui s’installent aujourd’hui dans des villes moyennes, dont les prix de l’immobilier et du foncier ne sont pas forcément très chers, s’installent dans des maisons avec jardin. Il y a une attente particulière des élus de ces villes moyennes pour être accompagnés dans la revitalisation de leurs cœurs de villes, y compris sur les formes et programmes de logement qui pourraient être adaptés à ces centres villes anciens, qui sont très denses, souvent très peu végétalisés, parfois en mauvais état et dont les propriétaires ne sont pas toujours bien identifiés ». Pour rendre la ville-centre à nouveau compétitive, l’action doit porter aussi bien sur le patrimoine ancien que sur la construction neuve. Pour adapter son patrimoine ancien souvent vétuste, divisé en petites surfaces et mal isolé, deux contraintes principales doivent être levées : la première est celle de la rénovation énergétique dans des secteurs patrimoniaux, qui entraîne des surcoûts importants, comme le souligne par exemple Sylvain Robert, le maire de Lens, ville dont le patrimoine de maisons ouvrières est classé à l’UNESCO. La seconde est de trouver de nouveaux investisseurs capables de mener à bien ces travaux de rénovation sans nécessairement mobiliser de subventions publiques. Pour soutenir la production neuve, il faut trouver un nouveau modèle de promotion. Comme le souligne Hélène Peskine, il est devenu évident que les modèles de promotion des grandes métropoles ne peuvent être calqués efficacement sur les villes moyennes : « les modèles des grands projets urbains et des métropoles (l’Île de Nantes, Euralille…) sont assez standardisés : ce sont des projets très denses avec des acteurs économiques très présents qui ont un modèle de promotion, d’amortissement économique et de rentabilité qui est spécifique aux besoins de zones tendues comme les métropoles, mais sûrement pas adéquat pour des espaces transitoires. Trouver le modèle économique d’aménagement de ces villes moyennes tout en gardant une sobriété foncière est un défi passionnant à relever. »
La concurrence de la périphérie où le foncier est moins cher et où des modèles de promotion efficaces existent déjà et les contraintes pesant sur le foncier, notamment en matière de recyclage urbain et de dépollution des sols, rendent assurément complexes l’invention de ce nouveau modèle de promotion. Il est toutefois également nécessaire que les élus se défassent de l’idée selon laquelle les villes moyennes seraient captives d’un certain type de promoteurs immobiliers, d’aménageurs ou de lotisseurs. Confiance et innovation apparaissent être les deux maîtres-mots pour parvenir à mobiliser des acteurs créatifs prêts à s’engager dans une perspective de rentabilité de long terme.
Le deuxième levier d’action est celui du commerce. L’idée selon laquelle le commerce dans les villes moyennes est en crise doit être relativisée, rappelle Philippe Dugot. Les villes moyennes doivent en effet être considérées à l’échelle de l’aire urbaine moyenne, qui est le véritable bassin de vie des habitants, et non à celle du centre. À cette échelle, rares sont les villes à subir une véritable déprise commerciale. Et c’est là que réside le principal enjeu de ces villes moyennes : accepter de détourner le regard du centre-ville pour réussir à soutenir l’ensemble des polarités commerciales de l’aire urbaine moyenne. Même si ces périphéries sont volontiers montrées du doigt, elles font partie du quotidien des Français et remplissent un rôle social et d’accessibilité aux biens de consommation non négligeable. 62% des Français des villes moyennes déclarent ainsi faire leurs courses quotidiennes dans les zones commerciales, et seulement 23% dans les commerces de centre-ville (Fig.10). Citant les écrivains Nicolas Mathieu et Annie Ernaux, Philippe Dugot invite à jeter un regard moins méprisant sur les zones commerciales, lieux d’emploi, d’activité, de sociabilité et de rencontre qui ne sont pas nécessairement de moins bonne qualité qu’une place de centre-ville. Ignorer ces polarités, c’est se condamner à ne pas les maîtriser et à les laisser hors du champ de l’urbanisme. Il faut aujourd’hui s’intéresser à leur intégration dans le tissu urbain et à leur mutabilité pour les plus dynamiques d’entre elles et à leur enfrichement et au traitement de ce nouveau type de friches pour les plus en déprise, ce que font par exemple les villes de Limoges et de Thiers. Le futur du commerce des villes moyennes est donc moins dans l’opposition du centre-ville à ses périphéries que dans leur articulation, chaque zone pouvant répondre à des besoins bien différents. De même, son avenir se situe moins dans le choix entre commerces physiques et commerce électronique que dans leurs complémentarités. Philippe Dugot rappelle en effet que le commerce électronique peut aussi représenter une chance pour les villes moyennes : « bien sûr que le commerce électronique aura des effets dévastateurs sur certains commerces, comme les librairies ou les biens de services à la personne, mais il peut aussi être une opportunité. À la faveur de la crise sanitaire, on a vu des villes comme Belfort développer des plateformes de commerce électronique rassemblant des commerces de villes moyennes pour mutualiser le click & collect. Plus généralement, le commerce électronique peut venir renforcer la normalité des villes moyennes en donnant accès à des biens autrefois accessibles uniquement dans des métropoles. Il peut également aider les villes moyennes à ressaisir leur rôle de pourvoyeur de services à leur environnement de petites villes et de zones rurales, en servant de pivot logistique pour la projection de produits locaux ».
Le dernier levier mobilisé par les villes moyennes est celui de la jeunesse. Des villes aux profils aussi différents que Charleville-Mézières et Saint-Raphaël soulignent leur enjeu commun : retenir les jeunes sur le territoire et en attirer de nouveaux. Frédéric Masquelier, le maire de Saint-Raphaël, explique que cet objectif remporte très largement l’adhésion de ses administrés, qui voient dans la jeunesse la promesse de conserver le dynamisme de la ville et son animation à tout moment de la journée, gage de qualité de vie. Les principales pistes d’action qui sont développées sont d’une part une offre de logement attractive en cœur de ville (même si le sondage Kantar/Potloc montre une appétence supérieure à la moyenne pour la maison avec jardin au sein de la classe d’âge des 18-29 ans), d’autre part le renforcement d’une offre de formation adaptée à ce type de ville. Frédéric Masquelier souligne le succès rencontré par le premier campus connecté, qui fut au départ une école de la seconde chance et qui réussit aujourd’hui à attirer des étudiants en premier choix. À Charleville-Mézières, Boris Ravignon insiste quant à lui sur l’importance des coopérations à nouer avec les villes universitaires à proximité, comme Reims.
Tous ces leviers font apparaître une difficulté majeure inhérente aux villes moyennes : celle de reconnaître la fonction de centralité. Hélène Peskine fait l’analyse suivante : « ce qui rassemble les villes moyennes au-delà de leurs différences, c’est la dynamique d’émancipation par la périphérie, et ce quelle que soit la dynamique économique du territoire, dans un ouest un peu plus dynamique comme dans un nord-est un peu plus en déprise. On voit qu’il y a une vraie difficulté à reconnaître la fonction de centralité de la ville-centre et donc à faire territoire ou agglomération entre la ville-centre et sa périphérie ».
Adopter une approche par le problème ?
L’exemple allemand incite à prendre de la distance par rapport à la lecture du territoire et de son aménagement par le prisme de la catégorie de taille de ville. La Constitution allemande garantit aux villes un droit à l’autonomie et à l’autogestion. Toutefois, face à l’ampleur des difficultés de développement territorial rencontrées par certaines d’entre elles, le gouvernement allemand et les Länder ont décidé de leur apporter un financement spécifique. Ce programme ne fait pas de distinction entre les villes petites, moyennes ou grandes : il s’oriente uniquement sur le problème à régler. Michael van der Mühlen explique en effet « si vous prenez une région telle que la Ruhr, la façon d’aborder les problèmes, l’accès au financement et la gestion de la rénovation urbaine et le développement urbain ne sont en aucun cas différents pour une grande ville, un quartier de Dortmund ou d’Essen ou une ville de taille moyenne telle que Witten, qui a maintenant moins de 100 000 habitants. À partir du moment où elle offre un quartier avec un concept comparable, il sera financé exactement comme un quartier dans une grande ville. En fait, la façon de traiter des problèmes ne passe pas par la création d’une typologie sur le critère petites, moyennes ou grandes villes, mais il y a davantage une méthodologie et un accès au financement qui dépendent du type de problème à traiter ». Cette approche bottom-up consiste donc à faire remonter un problème spécifique et non à essayer d’adapter la problématique locale à la forme et aux contraintes d’un programme. Elle a pour avantage de réussir à mobiliser fortement les habitants et les acteurs locaux, qui se sentent directement impliqués et concernés. Elle permet également de favoriser les coopérations entre les territoires qui sont conduits à travailler ensemble en raison de problématiques communes et non parce qu’ils ont la même taille.
L’analyse fait apparaître que la catégorie de taille de ville ne peut être la seule et unique clé de lecture. Il est en effet difficile de mettre sous une seule catégorie les villes de Charleville-Mézières, Lens, Saint-Raphaël ou Neuilly. Chacune d’entre elles a à faire face à des enjeux qui , plus qu’à leur taille, tiennent à leur histoire ou aux liens qu’elles entretiennent avec leurs régions. Cette reconnaissance doit inciter à valoriser les logiques de coopération.
Entre concurrence et coopération : la question des liens au centre de l’avenir des villes moyennes et des métropoles
Des villes moyennes concurrentes des métropoles ?
Les résultats du sondage Kantar/Poltloc préfigurent-ils une nouvelle ère où les villes moyennes viendraient concurrencer les métropoles ? Dans le contexte français, la question peut sembler exagérée. Robert Herrmann, ancien Président de l’Eurométropole de Strasbourg, rappelle en effet qu’en dépit du plébiscite apparent pour les villes moyennes, les métropoles restent des espaces hautement attractifs. On peut en effet interpréter autrement cette envie de maison à la campagne : les enquêtes ménages-déplacements menées par l’Agence de Développement et d’Urbanisme de l’agglomération Strasbourgeoise montrent que ce n’est pas toujours tant la maison et la campagne qui sont recherchées que la possibilité de s’isoler et de ne pas souffrir du bruit ou d’un vis-à-vis, des qualités qui ne sont pas antinomiques de l’urbain dense pour peu qu’on produise l’offre immobilière correspondant à ce besoin. Les métropoles disposent d’atouts décisifs pour relever de nombreux défis contemporains, dont celui de la transition écologique. Toutefois, comme le rappelle Robert Herrmann, les résultats du sondage doivent amener à proposer des solutions aux problèmes qui minent la qualité de vie dans les métropoles et expliquent l’apparente désaffection dont elles font l’objet : inégalités sociales criantes, coût de la vie, problèmes de mobilité entre le centre et les périphéries, qualité des logements…
Sans remettre en question la dynamique métropolitaine, l’exemple allemand offre toutefois une perspective intéressante sur ce point des concurrences entre villes moyennes et métropoles. La structure communale allemande héritée du Moyen-Âge et du 18e siècle, avec ses résidences princières et sa multiplicité d’États, est constituée de nombreuses villes moyennes puissantes qui concentrent la force économique et l’innovation industrielle. L’entreprise BioNTech, qui a élaboré le premier vaccin à ARN contre le Covid-19, se situe par exemple à Mayence. Le maire adjoint de Cologne, Andreas Wolter, souligne la concurrence que peuvent représenter ces villes, même pour des métropoles telles que Cologne : « nous avons par exemple certaines industries de renom qui ont été attirées à l’extérieur de Cologne. Elles sont maintenant à Frechen, à Leverkusen ou à Dormagen, mais plus à Cologne. Elles y payent donc aussi leurs impôts, ce qui a des conséquences très concrètes pour les villes. Prenons l’exemple de la société Bayer Leverkusen, qui s’occupe de distribuer des autorisations de médicaments génériques à d’autres entreprises, une activité très lucrative. Elle a délocalisé une partie de ses entreprises à Monheim pour payer des taxes professionnelles moins élevées. C’est pourquoi Monheim est désormais très riche, ils peuvent tout se permettre, les transports publics sont gratuits, tandis que Leverkusen a vu ses recettes fiscales s’effondrer ». Toutefois, même en Allemagne, les villes moyennes sont confrontées aux mêmes difficultés que les villes moyennes françaises : elles ont également à lutter contre la force d’attractivité des métropoles qui parviennent à rivaliser avec leurs fonctions de niveau supérieur, notamment leurs fonctions culturelles. Andreas Wolter ajoute ainsi, non sans malice, « ici à Cologne nous avons un opéra, des théâtres, beaucoup d’activités culturelles et de musées qui font l’attrait de cette ville, nous avons beaucoup de choses qui ne s’achètent pas […]. Les entreprises ont souvent des problèmes pour trouver les qualifications nécessaires. Quand on va partir comme ingénieur pour Klaas, quelque part du côté de Gütersloh, on pense souvent : ‘bof, il ne s’y passe rien le week-end. Pas de vie culturelle, rien’. Notre problème consiste à retenir ceux qui font un travail innovant, de recherche, à leur donner de bonnes conditions de vie. C’est là qu’intervient cette dépendance entre villes moyennes et grandes villes ». Ces phénomènes de concurrence ne sont pas forcément vus d’un mauvais œil en dépit de leurs conséquences réelles sur les territoires : la concurrence est aussi vue comme un aiguillon pour la créativité dans les territoires et pour la priorisation sur les secteurs d’activité qui permettent de faire la différence.
Dépendances et coopérations
On comprend dès lors que cette logique de concurrence se double en réalité d’une puissante logique d’interdépendance qui pousse à développer des coopérations. Cette logique de dépendance tient d’abord aux pratiques réelles des habitats du territoire. Sylvain Robert l’avoue volontiers, les habitants de l’agglomération de Lens-Liévin n’ont pas attendu que les municipalités formalisent les modalités de leur coopération pour utiliser l’ensemble du territoire comme un seul et unique bassin de vie. Cette logique de dépendance se trouve aujourd’hui renforcée par les impératifs de la transition écologique. Andreas Wolter prend ainsi l’exemple de la transition énergétique : « il y a à la périphérie de Cologne un nombre considérable d’éoliennes qui contribuent fortement à l’alimentation électrique. Bien sûr, cela ne fonctionne qu’en coopération avec les municipalités. On ne peut pas installer d’éoliennes dans la ville. On peut peut-être mettre des panneaux solaires sur les toits ou sur les murs des maisons mais c’est insuffisant pour assurer la transition énergétique. C’est pourquoi nous sommes aussi tributaires des campagnes ». Il apparaît clairement que l’un des enjeux clés de l’élaboration par les villes de stratégies bas-carbone résidera dans leur capacité à établir des coopérations avec les territoires à proximité : la mise en place de stratégies de compensation et de réduction à la bonne échelle et tenant compte des émissions indirectes en dépend. La conséquence très directe de la reconnaissance de ces dépendances est l’adoption d’une démarche beaucoup plus pragmatique et ancrée à la réalité du terrain. Partant des usages, le maire de Lens partage en effet ce constat : il est inutile de vouloir se positionner sur tous les sujets. Il est bien plus efficace de chercher à identifier les complémentarités entre les territoires. C’est d’ailleurs le sens de la proposition du maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromantin, chef de file du Collectif Villes moyennes, de doubler l’armature des métropoles d’une armature de villes moyennes permettant à tous les Français d’être à 1h30 d’une métropole et à 15 minutes d’une ville moyenne. Cette deuxième armature n’est pas pensée comme concurrente de la première mais comme complémentaire. Il est ainsi intéressant de constater que les maires des villes moyennes ne développent aucun plaidoyer contre la métropole. Bien au contraire, ils reconnaissent l’importance d’avoir des métropoles fortes, dynamiques économiquement et surtout bien connectées au monde : à travers elles, les villes moyennes peuvent gagner en opportunités et en accessibilité, facteur décisif de leur attractivité. Ils contestent en revanche le manque d’actions concrètes en direction des villes moyennes, qui les empêche de développer tout leur potentiel. Boris Ravignon affirme ainsi que « l’État a le droit et a raison d’accompagner le phénomène de métropolisation. Qu’il fasse le Grand Paris Express, qu’il apporte une infrastructure de transport qui va servir à tous les Français, qu’il le fasse pour que la région soit encore plus dynamique, c’est bien. Ce qui est choquant, c’est que la politique d’aménagement du territoire se résume à cela ».
Un enjeu d’infrastructures
Il apparaît ainsi clairement que ce qui soutient tout l’édifice des coopérations entre les territoires et l’idée d’une double armature est l’enjeu d’infrastructures. Sans celles-ci, les liens sont plus difficiles à établir et surtout les villes moyennes ont des difficultés à soutenir une dynamique de reprise. Aurélien Bellanger notait que Balzac, dans Le cabinet des antiques, dépeignait déjà combien le refus du chemin de fer de la ville d’Alençon signait son déclin. À une époque où le localisme est souvent présenté comme la solution, la 1ère édition des Rencontres des villes moyennes a au contraire démontré l’importance du lien, des flux et de l’accessibilité. Quatre infrastructures ont été plus spécifiquement abordées : les infrastructures de transport, l’infrastructure numérique, les services de santé et les trames vertes et bleues. Toutes sont à l’articulation des différentes échelles et favorisent l’intégration du territoire. Il est ainsi intéressant de constater l’importance que le projet de la Chaîne des Parcs (dans l’agglomération de Lens-Liévin) a eu dans la constitution d’un territoire et la naissance de coopérations entre des acteurs se tournant historiquement le dos : « la Chaîne des parcs est un espace de bien-être, de plein air à l’échelle du bassin minier qui nous donnera demain des fonctionnalités économiques car nous avons monté un cluster sport, santé, bien-être ». Le cas de l’infrastructure numérique soulève un enjeu de stratégie nationale et est révélateur, pour Jean-Christophe Fromantin, de l’absence de vision de l’État pour les villes moyennes. Il compare le plan de couverture par la 5G au plan autoroutier des années 1960 qui démontrait une véritable ambition pour les territoires : alors que l’infrastructure numérique est un maillon essentiel du renforcement de l’armature des villes moyennes en permettant de donner accès à l’ailleurs depuis n’importe où, la 5G va se concentrer à 80% dans les métropoles et seulement à 20% dans les villes moyennes. « Au lieu de constituer un puissant effet de levier, l’infrastructure numérique dans les villes moyennes fait l’objet d’un sous-investissement catastrophique ». Le cas des infrastructures montre à quel point il est difficile de passer d’une logique très descendante à une logique de réseau.
Il se dessine clairement un changement de paradigme : les villes moyennes n’ont plus comme unique choix de se placer dans l’orbite d’une métropole ou de vivre dans son ombre. Les logiques de coopération et de complémentarité ouvrent un nouveau champ d’action très intéressant prenant en compte la bonne échelle. Très avancées en Allemagne, elles semblent toutefois freinées en France par une relation à l’État. Villes moyennes et État entretiennent une relation complexe où se joue une tension entre faire et laisser faire.
CONCLUSION : Faire
Les villes moyennes connaissent aujourd’hui un regain de reconnaissance, d’attractivité et de dynamisme. Il n’en demeure pas moins que celles-ci semblent prises dans une injonction contradictoire : faire, mais sous le regard de l’État ; faire, mais sans les moyens nécessaires.
La 1ère édition des Rencontres des villes moyennes aura permis de mettre en avant la volonté d’agir des villes moyennes, de leurs élus, de leurs acteurs et de leurs habitants ainsi que leur vision stratégique tournée vers l’avenir. Elle aura aussi permis d’identifier trois principaux freins à cette action.
Le premier est celui des ressources, fortement marqueur d’inégalités entre les territoires. Boris Ravignon l’appelle « le mur d’investissements », qui, en fonction de l’héritage de la ville, peut s’avérer impossible à franchir. Il cite à ce propos l’exemple d’une grande friche ferroviaire au centre-ville de Charleville-Mézières, actif stratégique dont la réhabilitation nécessiterait d’investir 55 à 60 millions d’euros, soit l’équivalent de 5 ans d’investissements pour toute la ville de Charleville-Mézières… Plusieurs solutions sont proposées par les maires, depuis la redistribution (Boris Ravignon) jusqu’à la mobilisation sous la forme d’emprunts obligataires de l’épargne des Français, qui s’est fortement développée cette année de confinement et manifeste une forte aversion au risque (Jean-Christophe Fromantin), en passant par des investissements de la part de l’État, notamment en matière d’infrastructures. La question de la décentralisation et de la relance des territoires ne peut faire l’économie d’un débat sur les ressources.
Le deuxième frein identifié est celui de la capacité limitée des villes moyennes à faire entendre leur voix. Avec la fin du cumul des mandats, les élus des villes moyennes n’ont plus de contact direct avec l’État, et Frédéric Masquelier témoigne de ce que, au sein du couple préfet/maire, les élus des métropoles ont plus de poids que ceux des villes moyennes, qui restent dans les faits peu associés aux décisions. Quand l’État entre en contact direct avec les villes moyennes, l’impression est celle d’être déresponsabilisés et de devoir être assistés. Or, la demande des élus est celle d’être pris au sérieux et reconnus dans leur capacité à formuler de façon autonome une stratégie de territoire. Le troisième frein, enfin, est celui des moyens à disposition pour mettre en œuvre les projets et les stratégies. La demande des élus portent sur deux points principaux : d’une part être accompagnés en termes d’ingénierie, alors que ces villes éprouvent parfois des difficultés à attirer sur leur territoire des compétences très spécifiques ; d’autre part, être soutenus dans leur action par la formulation d’une vision de développement territorial claire et affichée. Les élus font en effet état du besoin des acteurs locaux et des investisseurs d’être rassurés sur la stratégie de l’État pour le territoire et ainsi guidés dans leurs choix de long terme. Le modèle qui se dessine avec le renouveau des villes moyennes n’est pas un modèle à l’allemande d’autonomie municipale mais de renouvellement des bases de la relation entre les villes moyennes et l’État. Ces villes ne cherchent pas tant à s’émanciper qu’à ne pas être traitées comme les parents pauvres de l’action publique et comme des territoires en mal de vision et de projets.
Les villes moyennes ont repris leur place sur la carte. L’approche par la taille fut décisive pour faire reconnaître la spécificité de ces territoires et les remettre au cœur de l’actualité. Elle le reste pour lever les freins à l’action dont elles souffrent encore. Mais il est certainement aussi temps de faire place à une approche orientée sur les problèmes à résoudre afin de renforcer les coopérations dans une logique d’égalité des territoires et d’entériner la normalisation de ces villes.
[1] https://www.famillesrurales.org/etude-FamillesRurales-IFOP-Territoires-ruraux?&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=le_developpement_du_teletravail_prepare_t_il_un_exode_urbain&utm_term=2020-10-16
[2] https://www.villesetvillagesouilfaitbonvivre.com/
[3] https://www.lemonde.fr/blog/transports/2019/03/04/villes-moyennes-toujours-plus-mal/
[4] http://partieprenante.com/category/projets-de-territoire/
[5] Carrère, E. (2016) « Lettre à une calaisienne », Revue XXI N° 34 (13 Avril 2016)
[6] Brunet (1997) Territoires de France et d’Europe. Raisons de géographe, Belin
[7] https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php
[8] http://www.archive-arn.fr/
[9] Voisin-Bormuth, Chloë (2020) Le rebond des villes moyennes, une réalité ? La Fabrique de la Cité https://www.lafabriquedelacite.com/wp-content/uploads/2020/10/Note_LFDLC_VillesMoyennes_CroissanceDecroissance.pdf
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La Fabrique de la Cité
La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.