Édito

Rénovation énergétique : quand l’expérience et la science nous disent la même chose

Enfin ! Les Français ont enfin trouvé LE sujet qui va leur permettre de pratiquer leur exercice préféré vis-à-vis de l’Allemagne dans un contexte sanitaire qui ne s’y prête pourtant guère. L’exercice, c’est la Schadenfreude, cette joie mauvaise qu’il peut nous arriver d’éprouver à l’idée du malheur d’autrui ; LE sujet, c’est… la rénovation énergétique des bâtiments.

Un article du Monde daté du 4 octobre nous apprend ainsi qu’après 340 milliards d’euros dépensés en dix ans pour la rénovation énergétique des bâtiments, « la consommation énergétique, qui avait baissé de 31 % entre 1990 et 2010, est depuis cette date restée au même niveau. En 2010, un foyer consommait en i 131 kilowatt/heure thermique par mètre carré. En 2018, il en consomme… 130 ». Cette piètre performance a de multiples causes : le bien connu effet rebond, de nouveaux chauffages mal calibrés donc tout aussi énergivores que les anciens, l’isolation des façades sud des bâtiments qui les empêche de profiter de… la chaleur du soleil. Et le président de la fédération immobilière allemande de prôner un changement total de stratégie : abandon des rénovations les plus chères, changement du critère de mesure actuel (consommation théorique du bâtiment) au profit de la mesure des émissions de CO2 réelles… auxquelles il faut donner un prix. Les politiques allemands n’ont pas manqué de se saisir du sujet : les libéraux du Freie Demokratische Partei (FDP) pour prôner l’abandon du « fétichisme » de la rénovation, les Verts pour avancer l’idée d’une nouvelle répartition des coûts, pointant le risque d’une désaffection des ménages les plus modestes pour la lutte contre le changement climatique, au moment où le logement est de moins en moins abordable, ce qui rappelle qu’une écologie pour quelques-uns, par exemple les habitants des centres-villes, est vouée à l’échec.

Au moment où les plans de relance, nationaux ou européens, placent ce sujet au cœur de leur stratégie, le débat allemand est bienvenu. Il fait écho à l’accélération d’une réflexion innovante sur le sujet en France. En témoigne la remise, le 21 septembre dernier, du rapport du Plan bâtiment durable et de la RICS France à la Ministre du logement, qui pointe la nécessité de changer la maille d’intervention des rénovations : « ce n’est plus logement par logement, voire même bâtiment par bâtiment que nous répondrons vite et fort à ce besoin de transformation de nos espaces d’habitat et d’exercice professionnel, c’est à l’échelle de l’îlot ou du quartier qu’il faut intervenir, en mettant en œuvre l’ensemble des techniques existantes, sans craindre leur diversité » estiment les auteurs du rapport. Et de pointer la nécessité d’une approche urbaine du sujet : « pour faciliter ces interventions collectives, nous devons cesser d’opérer les distinctions qui ponctuent usuellement l’activité immobilière, suivant l’usage et la destination des lieux, la qualité d’occupant ou de bailleur, la nature neuve ou existante du bâti considéré. La ville est par nature mixte, prenons-la comme telle ».

En France comme en Allemagne, ces expressions publiques démontrent, s’il en était besoin, le rôle d’accélérateur des crises : ce que des travaux scientifiques montrent depuis plusieurs années – pensons aux travaux du Lab recherche environnement, fruits de 12 années de partenariat entre VINCI et Paris Tech – commence à infuser dans le débat et la décision publics. Puisque l’heure est à la remise en cause de dogmes qui montrent leur caractère inopérant dans la réalité, il peut être utile de rappeler deux faits qui éviteront qu’en 2030, un bilan tout aussi sévère soit dressé des dizaines de milliards d’euros qui vont être dépensés dans ce domaine :

  • Le changement climatique nous parle de gaz à effet de serre et de biodiversité : l’approche environnementale, et pas seulement énergétique, est seule pertinente quand on parle rénovation ou, plus généralement, performance du bâti ;
  • Un bâtiment n’est pas un objet physique posé dans une ville : c’est un écosystème entre l’humain, le monde physique et, de plus en plus, le monde digital ; cet écosystème fait lui-même partie du système urbain. Seule une approche par les usages permet d’appréhender cette réalité faite de stock et de flux, de lieux et de liens.

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La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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