Édito

Vers une société de multipropriétaires immobiliers ?

Les travaux de Thomas Piketty sur les inégalités de richesse en France ont mis en évidence une transition au cours du XXème siècle d’une « société de rentiers » à une « société de cadres », rééquilibrant ainsi la réussite par le travail et le capital. L’auteur du Capital au XXIème siècle avertissait pourtant sur un possible retour à des fortes inégalités pouvant mettre en péril le système méritocratique sur lequel reposent nos sociétés démocratiques.

La contribution du capital-logement à ces inégalités a fait l’objet d’une intense controverse entre économistes au cours de la décennie passée : les uns considérant que l’augmentation des prix de l’immobilier n’est constitutive que d’inégalités de second ordre, les autres considérant que ce phénomène risque d’entretenir une dynamique inégalitaire majeure. Par ailleurs, la question de savoir si la surcapitalisation du marché immobilier est constitutive d’une bulle ou d’un nouveau régime foncier est encore ouverte. Jusqu’à présent, il était difficile de clore le débat sur les inégalités de capital-logement, en l’absence de données particulièrement fines pour identifier clairement qui possède quoi en France.

L’édition 2021 de « France, portrait social » publié par l’INSEE apporte une nouvelle contribution à ce débat en proposant un dossier inédit sur les inégalités de patrimoine immobilier en France. Cette étude mobilisant d’importantes données statistiques dresse un tableau particulièrement alarmant sur la concentration du capital-logement aux mains des multipropriétaires. En bref, il est possible de distinguer quatre principales catégories de ménages, selon l’état de leur patrimoine résidentiel :

  1. En haut de la pyramide, une infime minorité (3,5 % des ménages) constitue une classe de rentiers en possédant au moins 5 logements. Ils détiennent à eux seuls 50 % des logements en location possédés par des particuliers. Ils possèdent 37 % des logements situés dans le centre des grandes villes.
  2. Vient ensuite une classe beaucoup plus large (20,5 %) de multipropriétaires (de 2 à 4 logements) possédant près de la moitié (49,2 %) du parc de logements détenus par les ménages.
  3. 34 % des ménages ne sont propriétaires que d’un logement (en majorité leur résidence principale).
  4. En bas de la pyramide, la plus importante catégorie en nombre (près de 42 % des ménages) ne possède aucun logement. Ce sont les grands perdants de l’importante hausse des prix de l’immobilier depuis le début des années 2000.

Cette « big picture » a été réalisée à partir de données de 2017, au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle soulève inévitablement des questions majeures en matière de politiques publiques menées depuis plusieurs décennies : 1) comment ajuster notre fiscalité pour enrayer cette dynamique inégalitaire ? 2) comment limiter l’effet d’aubaine des dispositifs d’investissement locatif privé pour les ménages multipropriétaires ? Espérons que des réponses fortes soient apportées à ces questions dès le début de la prochaine mandature pour tenter de restaurer notre système méritocratique.

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